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Séance du 3 avril 1793 (soir)


de son pays (13), que lorsqu’au moins il auroit miné et ébranlé la puissance des despotes, et qu’alors il seroit facile d’écraser ce général victorieux et insolent ; mais ce général, après avoir remporté quelques places dans la Hollande, dans le même instant, sans avoir terrassé les ennemis, il devient lui-même l’ennemi le plus formidable de la patrie ; et tandis qu’on ne nous parloit que de prodiges, tout étoit arrangé pour évacuer la Belgique, et la laisser à la discrétion des despotes de l’Europe. Alors, nous avions pour généraux d’un côté, un Allemand, sujet d’une puissance belligérante (14), de l’autre, un aventurier Espagnol, chassé du Pérou, employé ensuite par Pitt, donné ensuite à la France pai Pitt, à la recommandation de Brissot (15). Au même instant, ces généraux nous trahissent à Aix-la-Chapelle et à Maëstricht. Ici, il faut suivre les véritables traces de Dumourier. A son retour de sa prétendue conquête de la Hollande, lorsque la nation est trahie par ces deux généraux, qu’il a laissé derrière lui une partie de l’armée, se plaint-il d’avoir été trahi lui-même ? dénonce-t-il à la nation les auteurs de ces perfidies ? non ; il jette un voile sur tous ces faits, il fait l’éloge de tous les généraux sans distinction ; il loue avec emphase et Miranda et Lanoue (16), connus pour conspirateurs avant la révolution du 10 août. Il impute tous nos malheurs à nos soldats ; il veut persuader à la France, il veut persuader à l’Europe que nos armées ne sont composées que de deux classes d’hommes, de lâches et de pillards.

Ici nos revers se succèdent rapidement : Dumourier donne une bataille, il la perd (17) ; la partie qu’il commandoit a conservé l’avantage ; l’aile gauche a plié ; mais l’aile gaudhe étoit commandée par Miranda, qui avoit trahi à Maëstricht, par Miranda, son ami et sa créature. Dans la première proclamation faite à son retour d’Argonne, proclamation dans laquelle il donnoit alors des éloges aux suspects et très-suspects généraux ; il disoit à l’armée : Ne vous découragez pas de vos revers, ayez confiance dans vos généraux, ils sont mes élèves, ils ne se conduisent que par mes conseils.

<13) iLors de la séance des Jacobins du 19 mars 1792, Robespierre et Dumouriez se donnèrent l’accolade, et Dumouriez se coiffa du bonnet rouge (Voir Discours..., 3^ vol., p. 221). <14) Il s’aigit de Stengel. Voir ci-dessus, p. 307, n. 3. (15) Il s’agit de Miranda (Francisco de), né à C^aracas. Il servifc d’abord dans les troupes coloniales espagnoles, puis participa à Ja guerre d’Indépendance américaine sous les ordres de^ Rochaimbeau. Après avoir conspiré contre l’Espagne pour’ rindépendance du Venezuela, il se reifugia à Londres, puis à Paris. Commandant en second de l’Armée du Nord sous Dumouriez, il dirigeait le 14 mars l’aile gauche, et fut mis en déroute, le 18, à Neerwinden. (116) iLanoue, cf. ci-dessus, séance du 10 mars, note 2. (17) Il s’agit de la bataille de Neerwinden.