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faire. Dans ce système, tout est contre la société ; tout est en faveur des marchands de grains.[1]

C’est ici, législateurs, que toute votre sagesse et toute votre circonspection son nécessaires. Un tel sujet est toujours délicat à traiter ; il est dangereux de redoubler les alarmes du peuple, et de paraître même autoriser son mécontentement. Il est plus dangereux encore de taire la vérité, et de se dissimuler les principes. Mais, si vous voulez les suivre, tous les inconvéniens disparaissent : les principes seuls peuvent tarir la source du mal.

Je sais bien que quand on examine les circonstances de telle émeute particulière, excitée par la disette réelle ou factice des blés, on reconnaît quelquefois l’influence d’une cause étrangère. L’ambition et l’intrigue ont besoin de susciter des troubles : quelquefois, ce sont ces mêmes hommes qui excitent le peuple, pour trouver le prétexte de l’égorger, et pour rendre la liberté même terrible, aux yeux des hommes faibles et égoïstes. Mais il n’en est pas moins vrai que le peuple est naturellement droit et paisible ; il est toujours guidé par une intention pure ; les malveillants ne peuvent le remuer, s’ils ne lui présentent un motif puissant et légitime à ses yeux. Ils profitent de son mécontentement plus qu’ils ne le font naître ; et quand ils le portent à des démarches inconsidérées, par le prétexte des subsistances, ce n’est que parce qu’il est disposé à recevoir ses impressions, par l’oppression et par la misère. Jamais un peuple heureux ne fut un peuple turbulent. Quiconque connaît les hommes, quiconque connaît surtout le peuple français, sait qu’il n’est pas au pouvoir d’un insensé ou d’un mauvais citoyen, de le soulever sans aucune raison, contre les lois qu’il aime, encore moins contre les mandataires qu’il a choisis, et contre la liberté qu’il a conquise. C’est à ses représentants à lui témoigner la confiance qu’il leur donne lui-même, et de déconcerter la malveillance aristocratique, en soulageant ses besoins, et en calmant ses alarmes.

Les alarmes même des citoyens doivent être respectées. Comment les calmer, si vous restez dans l’inaction ? Les mesures même qu’on propose, ne fussent-elles pas aussi nécessaires que nous le pensons, il suffit qu’il les désire, il suffit qu’elles prouvent à ses yeux votre attachement à ses intérêts, pour vous déterminer à les adopter. J’ai déjà indiqué quelle était la nature et l’esprit de ces lois, je me contenterai ici de demander la priorité pour les projets de décrets qui proposent des précautions contre le monopole, en me réservant de pro-

  1. Là, le Moniteur ajoute : « La propriété sacrée, celle du peuple, est immolée aux intérêts d’un commerce criminel, et la vie des hommes au luxe des riches et à la cupidité des sangsues publique. »