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tournent contre nous nos résolutions. Etes-vous foibles ? Ils louent votre prudence. Etes-vous prudents ? ils vous accusent de foiblesse ; ils appellent votre courage, témérité ; votre justice, cruauté. Ménagez-les, ils conspirent publiquement ; menacez-les, ils conspirent dans les ténèbres, et sous le masque du patriotisme. Hier ils assassinoient les défenseurs de la liberté ; aujourd’hui ils se mêlent à leurs pompes funèbres, et demandent pour eux des honneurs divins, épiant l’occasion d’égorger leurs pareils. Faut-il allumer la guerre civile ? ils prêchent toutes les folies de la superstition. La guerre civile est-elle près de s’éteindre par les flots du sang français ? ils abjurent et leur sacerdoce et leurs dieux pour la rallumer.

On a vu des Anglais, des Prussiens, se répandre dans nos villes et dans nos campagnes, annonçant (e), au nom de la Convention nationale, une doctrine insensée ; on a vu des prêtres déprêtrisés, à la tête des rassemblemens séditieux, dont la religion étoit le motif ou le prétexte. Déjà des patriotes, entraînés à des actes imprudens par la seule haine du fanatisme, ont été assassinés ; le sang a déjà coulé dans plusieurs contrées pour ces déplorables querelles, comme si nous avions trop de sang pour combattre les tyrans de l’Europe. honte ! ô foiblesse de la raison humaine ! une grande nation a paru le jouet des plus méprisables valets de la tyrannie !

Les étrangers ont paru quelque temps les arbitres de la tranquillité publique. L’argent circuloit ou disparoissoit à leur gré. Quand ils vouloient, le peuple trouvoit du pain ; quand ils vouloient, le peuple en étoit privé ; des attroupemens aux portes des boulangers se formoient et se dissipoient à leur signal. Ils nous environnent de leurs sicaires (/), et de leurs espions ; nous le savons, nous le voyons, et ils vivent ! Ils semblent inaccessibles au glaive des lois. Il est plus difficile, même aujourd’hui, de punir un conspirateur important, que d’arracher un ami de la liberté des mains de la calomnie.

A peine avons-nous dénoncé les excès faussement philosophiques, provoqués par les ennemis de la France ; à peine le patriotisme a-t-il prononcé dans cette tribune le mot ultra-révolutionnaire, qui les désignoit ; aussi-tôt les traîtres de Lyon, tous les partisans de la tyrannie se sont hâtés de l’appliquer aux patriotes chauds et généreux qui avoient vengé le peuple et les lois. D’un côté ils renouvellent l’ancien système de persécution contre les amis de la République ; de l’autre ils invoquent l’indulgence en faveur des scélérats couverts du sang de la patrie. Cependant leurs crimes s’amoncèlent ; les cohortes impies des émissaires étrangers se recrutent chaque jour ; la France en est innondée ; ils attendent, et ils attendront éternellement un moment favorable à leurs desseins sinistres. Ils se retranchent, ils se cantonnent au milieu de nous ; ils élèvent de nouvelles redoutes, de nouvelles batteries contrerévolutionnaires, tandis que les tyrans qui les soudoient rassemblent de nouvelles armées.