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rir sur eux ; il veut des êtres qui s’intéressent à tous les événemens de sa vie, et qui le pleurent, lorsqu’il ne sera plus. Mais plus frappé encore dans ce moment, de tous les dangers auxquels le préjugé nous expose, nous, qui nous contemplons dans nos familles avec un doux orgueil ; je serais tenté, non pas d’envier le sort de ces hommes ; il est trop difficile de se détacher d’un bonheur qu’on a une fois goûté ; mais de leur faire redouter le nôtre, et de leur dire : malheureux, que faites-vous ? Restez dans cette obscurité, qui vous isole : vous ne répondez que de vos actions. Tous les jours, à votre réveil, si vous sentez la vertu dans votre cœur, vous pourrez vous dire : je vivrai sans reproche et sans tache. Votre gloire n’appartiendra qu’à vous ; votre honte même, si jamais vous deviez vous souiller d’un forfait finirait avec votre existence. Mais une fois reçu dans cette famille qui maintenant vous rejette, vous aurez sans cesse à trembler sur eux, et pour vous-mêmes. Craignez d’avoir des parens. Ceux que vous réclamez sont des hommes purs et respectés ; mais qui vous répondra que le vice ne germe pas en secret dans le cœur de l’un d’eux ; qu’une passion, honnête en elle-même, ne le conduira pas à un crime ? Il aurait pu retenir à lui tout ce qu’il aurait acquis de richesses et d’honneurs ; mais il vous enveloppera dans son infamie, sans que vous ayez pu ni la prévoir, ni la prévenir. Fût-il mort à l’autre bout du monde, elle reviendra vous couvrir tout entier ; rien ne l’effacera, ni vos talens, ni vos vertus ; vous la porterez jusqu’au tombeau ; et vous la laisserez à vos enfants. Telles sont nos idées et nos mœurs ; telle est notre destinée dans vos familles. »

La troisième partie, qui traite des moyens de détruire le préjugé, est moins susceptible d’analyse, parce que chaque idée ne pourrait guère en être présentée, sans ses preuves. L’auteur pense qu’il est de véritables moyens d’abolir le préjugé. D’abord la douceur de nos mœurs et les progrès de la raison l’ont déjà beaucoup affaibli. Il ne s’agit plus que de détruire dans nos lois ce qui le soutient encore, et de diriger autrement l’opinion publique. Plusieurs de nos lois ont trop d’analogie avec lui ; telles sont la confiscation, et l’exclusion des bâtards de plusieurs des droits du citoyen. D’autres lois le favorisent ; telle est celle qui établit un supplice différent pour les nobles. D’ailleurs l’opinion publique se forme de l’instruction qui se répand dans une