Page:Œuvres complètes de Maximilien de Robespierre, tome 1.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont sans cesse exposés aux dangers affreux[1] de perdre le plus précieux de tous les biens par des évenemens qui leur sont étrangers.

Tel est le premier inconvénient attaché à cet absurde préjugé ; il est fait pour nous effraier. Nous regardons tout ce qui porte atteinte à la stabilité de nos propriétés, comme un coup funeste qui ébranle les fondemens de la félicité publique [2] ; quelle idée nous formerons-nous donc d’un préjugé qui soumet aux caprices du hazard l’honneur même, sans lequel tous les autres biens sont sans prix et la vie n’est qu’un supplice ?

Nous répétons tous les jours cette maxime équitable, qu’il vaut mieux épargner cent[3] coupables que de sacrifier un seul innocent : et nous ne punissons pas un coupable, sans perdre plusieurs innocens ! la punition d’un scélérat, disons-nous, n’est qu’un exemple pour d’autres scélérats ; mais le supplice d’un homme de bien est l’effroi de la société entière : et tous les jours nous donnons à la société ce spectacle horrible, qui doit porter la terreur dans l’ame de chacun de nous, puisque rien ne nous garantit que nous n’en serons jamais les déplorables objets et qu’oppresseurs aujourd’hui, nous pouvons demain être opprimés à notre tour.

Et quel tort pense-t-on que cause à l’état la flétrissure imprimée a tant de citoiens ?

Les législateurs éclairés se sont toujours montrés avares du sang même le plus vil, lorsqu’ils ont pu le conserver à la patrie ; ils n’ont pas voulu lui oter[4] les moindres avantages qu’elle pouvait tirer de la punition des criminels qui auroient violé ses loix[5] De là les peines qui vouent[6] aux travaux publics les autheurs de certains délits : nos loix même ont adopté ces sages[7] principes ; et nos préjugés les blessent ouvertement en rendant inutiles à l’état[8] les citoiens

  1. Éd. de 1785 : au danger affreux.
  2. les fondemens du bonheur public.
  3. mille
  4. voulu la priver des moindres.
  5. des criminels qu’ils n’ont pas cru devoir condamner à la mort. De là les.
  6. attachent.
  7. sages deest
  8. tous les