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ŒUVRES COMPLÈTES DE MAXIMILIEN ROBESPIERRE

semer et récolter, et que la maturité n’arrive qu’après un long travail[1]. N’était-ce pas là le passage que Beccaria avait pris pour l’épigraphe de son livre ?

Robespierre — et il nous le dit lui-même dans son discours — est le disciple de Bacon et de Montesquieu ; il aurait pu ajouter qu’il l’est également de Beccaria. Comme lui, il veut « exciter dans les cœurs ce doux frémissement par lequel les âmes sensibles répondent à la voix du défenseur de l’humanité ». Comme lui, il se pique de sensibilité et fait une apologie de l’humanité ou plutôt un plaidoyer en faveur d’une malheureuse portion du genre humain. Il vivait dans un temps où le zèle des criminalistes contre les anciens préjugés, au risque de sombrer dans des innovations que certains jugeaient dangereuse, déferlait avec rage. À l’approche de la Révolution, tous montaient à l’assaut, les athées et les spiritualistes, aussi bien que les croyants catholiques. C’est le cas de ce conseiller au Grand Conseil, Muyart de Vouglans, qui jugeait bon d’adjoindre à son traité des Lois criminelles[2], paru en 1780, les motifs de sa foi en Jésus-Christ ou « points fondamentaux de la religion chrétienne discutés suivant les principes de l’ordre judiciaire ».

Vouglans, bien inconnu aujourd’hui, s’était fait une place en vue parmi les juristes, avant même d’éditer ses Lois criminelles[3] ; il passait pour le continuateur de l’avocat Prévôt et du commissaire Lamarre. Robespierre lui doit beaucoup ; il lui doit d’autant plus que Muyart de Vouglans avait écrit un Mémoire sur les Peines infamantes[4] très documenté, rempli de considérations justes, et de réformes

  1. In rébus quibuscumque difficilioribus non expectandum ut quis semel et serat et metat. ; sed præparatione opus est ut per gradus maturescant.
  2. Les Loix criminelles de France dans leur ordre naturel dédiées au Roi. À Paris chez Mérigot le Jeune, libraire quai des Augustins, etc. MDCCLXXX in-fol., xliii-884 p.
  3. Il avait écrit l’Institut du droit criminel, le Traité des crimes et l’Instruction criminelle.
  4. Op. cit., p. 832.