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Quoi qu’on ait dit des lettres sur l’Italie, on se plaît à suivre l’auteur dans sa marche ; on aime à partager avec lui les divers sentimens qu’il éprouve.

Il soupire à Vaucluse, respire à Nice, admire à Gênes, s’instruit à Florence, et trouve réunies à Rome toutes les idées, toutes les sensations qui doivent naître au milieu d’une ville qui fut long-temps la capitale du monde ; qui est encore le centre de l’univers, comme elle sera toujours le point le plus brillant dans la durée des siècles. Naples élève sa pensée ; le Vésuve l’étonné et l’épouvante ; et Pœstum, où Sibaris n’est plus, le remplit d’une tendre mélancolie.

Avec quelle finesse il rapproche les idées faites pour se donner mutuellement du jour ! Avec quel goût il démêle le vrai par-tout où il est ! Avec quelle vivacité il sait le peindre ! Comme son génie se plie facilement à tous les tons, s’élève, descend, plane, s’égare avec les objets, et apprécie tout, depuis le sublime jusqu’au gracieux, depuis le Panthéon jusqu’à un tableau du Correge ! Que de philosophie répandue là où l’on ne s’attendait à trouver que des réflexions de goût ! Il se pénètre du sentiment du beau qu’il retrouve par-tout, jusques dans les ruines ; mais qui n’est nulle part mieux que dans son imagination grande et profonde, et sur-tout dans son ame sublime, digne de pleurer les Caton et les Tite, dont il foule les cendres avec respect.

Qu’on aime à voir le philosophe et le grand homme rendre hommage aux premiers sentimens de la nature, découvrir les racines par où il tient à l’espèce humaine, et établir, sur cette base, ses jouissances et son bonheur ! Transporté dans une terre étrangère, s’il voit un mariage heureux, il songe à l’épouse qu’il aime ; s’il rencontre un paysage riant et paisible, il désire que ses enfans y puissent jouer devant lui ! s’il trouve des peuples qui chérissent l’hospitalité, son cœur se serre, il se rappelle qu’en se séparant de ses amis, il a laissé la moitié de lui-même ; si ses regards sont frappés de grands exemples et de grandes leçons, il les recueille pour les siens avant d’en enrichir sa patrie.