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les rois justes, le grand art de mettre chacun à sa place, le pourvut d’une des charges les plus distinguées dans l’ordre de la magistrature. Tous les citoyens applaudirent au choix du monarque, tous se félicitèrent de pouvoir désormais compter Aristide au nombre de leurs juges.

Je ne dois pourtant pas le dissimuler : il se trouva des magistrats qui voulurent lui interdire l’entrée du sanctuaire de la justice. Quoi ! l’envie ferait-elle aussi couler son poison dans le cœur de ceux-mêmes dont le premier devoir est de commander à toutes les passions ? Des yeux accoutumés à la lumière, peuvent-ils donc être blessés par son éclat ? M. DUPATY pourrait opposer à l’injure qu’on veut lui faire, ses travaux passés ; son amour pour la justice, les vœux de toute une province : il n’oppose que la modération de l’homme de bien dont la conscience est pure ; que la fermeté d’un magistrat qui n’a rien à redouter, parce qu’il n’a aucun reproche à se faire. C’est ainsi qu’il imposa silence à ceux qui voulaient lui nuire ; et ils furent forcés de rendre hommage à ses vertus.

Dans le rang où M. DUPATY vient d’être élevé, il ne voit que l’étendue de ses obligations ; il rend grâces au ciel de ce qu’il lui est encore permis d’être utile à la patrie. Il sait que celui qui est chargé de la fonction honorable, mais terrible, de rendre la justice aux hommes, doit les peser dans la même balance[1] ; il tourne, il fixe sur-tout ses

  1. Après avoir exercé douze ans la charge d’avocat-général, M. Dupaty fut pourvu d’une charge de président à mortier au Parlement de Bordeaux. Dans cette place il sentit que les lois étant une barrière opposée aux entreprises des puissants, il est du devoir spécial du magistrat de protéger la faiblesse opprimée. Jamais les sollicitations n’eurent accès auprès de lui. Deux parties adverses n’étaient à ses yeux que deux citoyens et deux hommes. Il se fit une loi particulière de soustraire un criminel le plus promptement possible aux maux inséparables de l’emprisonnement. Lorsqu’il présidait la tournelle, il faisait toujours appeler les causes à tour de rôle ; il eût cru prévariquer et trahir son ministère, s’il eût fait verser une larme inutile. Un homme en place lui ayant demandé un jugement de faveur, il lui répondit, en lui faisant l’exposé de ses principes : « si vous croyez votre demande juste, ajouta-t-il, ordonnez-moi ce que ma conscience ne nie permet pas de faire de moi-