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mérita d’être placée au rang des productions originales qui font époque dans notre littérature. Tel est le privilège du génie : un écrit agréable qui semble échapper à une plume facile et légère parvient à la célébrité des plus grands ouvrages ; et l’auteur de la Chartreuse, avec ce seul titre, auroit pris sa place parmi nos plus illustres Poëtes. Telle étoit l’idée que s’en formoit le grand Rousseau, lorsqu’il s’écrioit en parlant de celle pièce : Quel prodige dans un homme de vingt-six ans ! Quel désespoir pour tous nos prétendus beaux esprits modernes !

Cependant de tels ouvrages annonçoient assez que Gresset n’étoit point fait pour rester enseveli dans le cloître où il s’étoit renfermé. Son estime pour ses premiers maîtres, son goût pour l’étude, et son admiration pour les talens qui brilloient parmi eux, l’avoient d’abord enrôlé sous leur bannière ; mais cet état ne convenoit guères ni à l’amour de l’indépendance qui semble caractériser les hommes de génie, ni à la nature de ses travaux littéraires. Une Muse aimable et légère n’étoit point faite pour habiter une maison Religieuse. Comment auroit-elle pu librement placer une couronne de myrthe sur le front d’un Cénobite ?

Déjà le Ververt même lui avoit attiré des disgrâces qui le déterminèrent à briser la chaîne dont elles lui avoient fait sentir tout le poids.

Mais, en quittant ceux auxquels il étoit uni par les liens de la fraternité, il n’abjura point les sentimens d’amitié qu’il leur avoit voués. Il s’empressa de leur rendre un hommage public qui l’honore encore plus lui-même que ceux à qui il étoit adressé ; il leur laissa, dans des vers dignes de son cœur et de ses talens, un gage immortel de son estime et de ses regrets. C’étoit ainsi qu’il convenoit à Gresset de quitter les Jésuites ; c’est ainsi qu’une Congrégation où il laissoit les Brumoi, les Tournemine, les Bougeant, et tant d’autres, méritoit d’être quittée.

Rendu au monde et à la liberté, Gresset voyoit la plus riante carrière s’ouvrir devant lui. Annoncé par sa réputa-