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tête ? On conspire contre lui, on l’accuse d’attenter à l’honneur de l’Ordre de la Visitation, on crie au scandale, à la calomnie… Aimable Poëte, reprenez vos pinceaux ; peignez-nous des évènemens véritables, beaucoup plus plaisans que toutes les fictions du Ververt. Mais que dis-je ? Le badinage n’est plus de saison, l’intrigue et le crédit ont secondé le courroux de ses ennemis ; les Jésuites sont forcés de faire un sacrifice, et le jeune Poëte est condamné à s’ennuyer à la Flèche, pour expier le plaisir que procuroient au Public les ingénieuses saillies du Ververt.

Mais les Muses le suivirent dans son exil, pour en adoucir la rigueur, et bientôt parurent le Carême impromptu et le Lutrin vivant.

Censeurs austères, mélancoliques, dédaignez, tant qu’il vous plaira, la petitesse du sujet de ces deux productions ; blâmez l’enjouement qui a imaginé le Lutrin vivant ; mais pardonnez-moi si je ne puis rougir des ris qu’obtient de moi cet ingénieux badinage, et dont vous l’avez, sans doute, vous-mêmes honoré ; souffrez que j’observe avec quel art l’Auteur sçait répandre tant de sel et d’agrément sur une matière qui sembloit les exclure, et permettre, pour ainsi dire, à sa Muse, de se livrer aux accès d’une gaieté folle, sans perdre ni la finesse ni la grâce qui la caractérise.

Quand on quitte le Lutrin vivant et le Carême impromptu pour lire la Chartreuse, on croit contempler un tableau du Corrège après avoir examiné des peintures de Calot. Ce n’est plus seulement ici une production légère, c’est un ouvrage intéressant, qui n’a de commun avec les poésies qui portent ce nom que l’aisance et l’agrément. Quelle gaieté et quelle douceur de sentiment ! Quelle heureuse négligence et quelle étonnante richesse ! Quelles vives saillies et quelle philosophie ! Jamais on ne vit la raison badiner avec tant de grâces et parler un langage si aimable, si propre à s’insinuer dans les cœurs, sous l’appas de l’enjouement.

Gresset est le premier qui ait présenté un si parfait modèle de ce genre de beautés, et cette Épître charmante