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que l’amusement et l’instinct du génie, plutot que l’ambition, sembloient conduire à la gloire, fut peut-etre étonné lui même de partager d’abord avec son brillant rival l’attention et le suffrage du public.

Il seroit hardi peut-être de décider entre ces deux poètes, dont les productions sont distinguées par un caractère différent. On trouvera dans Voltaire plus d’esprit, de variété, de finesse, de correction : dans Gresset, plus d’harmonie, d’abondance de naturel et de génie ; on y sentira plus cet aimable négligence, cet heureux abandon, qui fait le premier charme de ce genre de poésie. Les grâces de Voltaire paroitront plus brillantes, plus parées, plus vives, plus sémillantes ; celles de Gresset, plus simples, plus naives, plus gaies et plus touchantes. Le premier amuse, surprend, enchante mon esprit ; le second porte à mon cœur une plus douce volupté : et s’il m’étoit permis de peindre par des images sensibles les impressions différentes que produisent en moi les ouvrages de ces deux grands poètes, je dirois que les pièces fugitives de Voltaire me causent un plaisir semblable à celui que fait naitre l’aspect d’un jardin délicieux, embelli parle goût d’un propriétaire opulent : je comparerois les sensations que me donnent celles de Gresset à cette douce émotion que cause la vue de ces paysages enchanteurs où la Nature semble prodiguer tous ses charmes et faire passer jusqu’à l’ame le sentiment de sa ravissante beauté.

Tant de succès encouragèrent Gresset à en obtenir de nouveaux ; il osa entreprendre de s’élever jusqu’à l’ode. Tout le monde convient qu’il n’a point échoué dans cette tentative ; comme plusieurs autres poètes, fameux qui avoient excellé dans d’autres genres ; mais peut-etre le mérite de ses odes est-il au dessus de leur réputation. L’éclat du Ververt, de la Chartreuse, du Méchant et de ses autres chefs d’œuvres, semble les avoir éclipsées, et s’être emparé seul de toute l’attention du public, qu’elles méritoient de partager, On sait assez que on n’y trouve point la sublimité de Rousseau, mais peut être n’y a-t-on jamais assez observé