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Filippo, frère de Marianina, tenait, comme sa sœur, de la beauté merveilleuse de la comtesse. Pour tout dire en un mot, ce jeune homme était une image vivante de l’Antinoüs, avec des formes plus grêles. Mais comme ces maigres et délicates proportions s’allient bien à la jeunesse quand un teint olivâtre, des sourcils vigoureux et le feu d’un œil velouté promettent pour l’avenir des passions mâles, des idées généreuses ! Si Filippo restait, dans tous les cœurs de jeunes filles, comme un type, il demeurait également dans le souvenir de toutes les mères, comme le meilleur parti de France.

La beauté, la fortune, l’esprit, les grâces de ces deux enfants venaient uniquement de leur mère. Le comte de Lanty était petit, laid et grêlé ; sombre comme un Espagnol, ennuyeux comme un banquier. Il passait d’ailleurs pour un profond politique, peut-être parce qu’il riait rarement, et citait toujours monsieur de Metternich ou Wellington.

Cette mystérieuse famille avait tout l’attrait d’un poème de lord Byron, dont les difficultés étaient traduites d’une manière différente par chaque personne du beau monde : un chant obscur et sublime de strophe en strophe. La réserve que monsieur et madame de Lanty gardaient sur leur origine, sur leur existence passée et sur leurs relations avec les quatre parties du monde n’eût pas été longtemps un sujet d’étonnement à Paris. En nul pays peut-être l’axiome de Vespasien n’est mieux compris. Là, les écus même tachés de sang ou de boue ne trahissent rien et représentent tout. Pourvu que la haute société sache le chiffre de votre fortune, vous êtes classé parmi les sommes qui vous sont égales, et personne ne vous demande à voir vos parchemins, parce que tout le monde sait combien peu ils coûtent. Dans une ville où les problèmes sociaux se résolvent par des équations algébriques, les aventuriers ont en leur faveur d’excellentes chances. En supposant que cette famille eût été bohémienne d’origine, elle était si riche, si attrayante, que la haute société pouvait bien lui pardonner ses petits mystères. Mais, par malheur, l’histoire énigmatique de la maison Lanty offrait un perpétuel intérêt de curiosité, assez semblable à celui des romans d’Anne Radcliffe.

Les observateurs, ces gens qui tiennent à savoir dans quel magasin vous achetez vos candélabres, ou qui vous demandent le prix du loyer quand votre appartement leur semble beau, avaient re-