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— J’aurais l’air d’avoir, de concert avec lui, trompé mes créanciers.

Pillerault feignit de se laisser battre par cette raison. Il connaissait assez le cœur humain pour savoir que durant la nuit le digne homme se querellerait avec lui-même sur ce point ; et cette discussion intérieure l’accoutumait à l’idée de sa réhabilitation.

— Mais pourquoi, dit-il en dînant, ma femme et ma fille étaient-elles dans mon ancien appartement ?

— Anselme veut le louer pour s’y loger avec Césarine. Ta femme est de son parti. Sans t’en rien dire, ils sont allés faire publier les bans, afin de te forcer à consentir. Popinot dit qu’il aura moins de mérite à épouser Césarine après ta réhabilitation. Tu prends les six mille francs du roi, tu ne veux rien accepter de tes parents ! Moi, je puis bien te donner quittance de ce qui me revient, me refuserais-tu ?

— Non, dit César, mais cela ne m’empêcherait pas d’économiser pour vous payer, malgré la quittance.

— Subtilité que tout cela, dit Pillerault, et sur les choses de probité je dois être cru. Quelle bêtise as-tu dite tout à l’heure ? auras-tu trompé tes créanciers quand tu les auras tous payés ?

En ce moment, César examina Pillerault, et Pillerault fut ému de voir, après trois années, un plein sourire animant pour la première fois les traits attristés de son pauvre neveu.

— C’est vrai, dit-il, ils seraient payés… Mais c’est vendre ma fille !

— Et je veux être achetée, cria Césarine en apparaissant avec Popinot.

Les deux amants avaient entendu ces derniers mots en entrant sur la pointe du pied dans l’antichambre du petit appartement de leur oncle, et madame Birotteau les suivait. Tous trois avaient couru en voiture chez les créanciers qui restaient à payer pour les convoquer le soir chez Alexandre Crottat, où se préparaient les quittances. La puissante logique de l’amoureux Popinot triompha des scrupules de César qui persistait à se dire débiteur, à prétendre qu’il fraudait la loi par une novation. Il fit céder les recherches de sa conscience à un cri de Popinot : — Vous voulez donc tuer votre fille ?

— Tuer ma fille ! dit César hébété.

— Eh ! bien, dit Popinot, j’ai le droit de vous faire une dona-