Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, X.djvu/411

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

effets de monsieur Popinot que voici, moyennant escompte, bien entendu.

Gigonnet ôta sa terrible casquette verte qui semblait née avec lui, montra son crâne couleur beurre frais dénué de cheveux, fit sa grimace voltairienne et dit : — Vous voulez me payer en huile pour les cheveux, quéque j’en ferais ?

— Quand vous plaisantez, il n’y a qu’à tirer ses grègues, dit Pillerault.

— Vous parlez comme un sage que vous êtes, lui dit Gigonnet avec un sourire flatteur.

— Eh ! bien, si j’endossais les effets de monsieur Popinot ? dit Pillerault en faisant un dernier effort.

— Vous êtes de l’or en barre, monsieur Pillerault, mais je n’ai pas besoin d’or, il me faut seulement mon argent.

Pillerault et Popinot saluèrent et sortirent. Au bas de l’escalier, les jambes de Popinot flageolaient encore sous lui.

— Est-ce un homme ? dit-il à Pillerault.

— On le prétend, fit le vieillard. Souviens-toi toujours de cette courte séance, Anselme ! Tu viens de voir la Banque sans la mascarade de ses formes agréables. Les événements imprévus sont la vis du pressoir, nous sommes le raisin, et les banquiers sont les tonneaux. L’affaire des terrains est sans doute bonne, Gigonnet veut étrangler César pour se revêtir de sa peau : tout est dit, il n’y a plus de remède. Voilà la Banque, n’y recours jamais.

Après cette affreuse matinée où, pour la première fois, madame Birotteau prit les adresses de ceux qui venaient chercher leur argent et renvoya le garçon de la Banque sans le payer, à onze heures, cette courageuse femme, heureuse d’avoir sauvé ces douleurs à son mari, vit revenir Anselme et Pillerault qu’elle attendait en proie à de croissantes anxiétés : elle lut sa sentence sur leurs visages. Le dépôt était inévitable.

— Il va mourir de douleur, dit la pauvre femme.

— Je le lui souhaite, dit gravement Pillerault ; mais il est si religieux que, dans les circonstances actuelles, son directeur, l’abbé Loraux, peut seul le sauver.

Pillerault, Popinot et Constance attendirent qu’un commis fût allé chercher l’abbé Loraux avant de présenter le bilan que Célestin préparait à la signature de César. Les commis étaient au désespoir, ils aimaient leur patron. À quatre heures, le bon prêtre arriva,