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rêta confus et reprit au coup d’éperon que lui donna du Tillet : — Allez, allez, je vous écoute ! dit le banquier distrait. Le bonhomme avait sa chemise mouillée. Sa sueur se glaça quand du Tillet dirigea son regard fixe sur lui, lui laissa voir ses prunelles d’argent tigrées par quelques fils d’or, en le perçant jusqu’au cœur par une lueur diabolique.

— Mon cher patron, la Banque a refusé des effets de vous passés par la maison Claparon à Gigonnet, sans garantie ; est-ce ma faute ? Comment vous, vieux juge consulaire, faites-vous de pareilles boulettes ? Je suis avant tout banquier. Je vous donnerai mon argent, mais je ne saurais exposer ma signature à recevoir un refus de la Banque ; je n’existe que par le crédit, nous en sommes tous là. Voulez-vous de l’argent ?

— Pouvez-vous me donner tout ce dont j’ai besoin ?

— Cela dépend de la somme à payer ! Combien vous faut-il ?

— Trente mille francs.

— Beaucoup de tuyaux de cheminées sur la tête, fit du Tillet en éclatant de rire.

En entendant ce rire, le parfumeur, abusé par le luxe de du Tillet, voulut y voir le rire d’un homme pour qui la somme était peu de chose, il respira.

Du Tillet sonna.

— Faites monter mon caissier.

— Il n’est pas arrivé, monsieur, répondit le valet de chambre.

— Ces drôles-là se moquent de moi ! il est huit heures et demie, on doit avoir fait pour un million d’affaires à cette heure-ci.

Cinq minutes après, monsieur Legras monta.

— Qu’avons-nous en caisse ?

— Vingt mille francs seulement. Monsieur a donné l’ordre d’acheter pour trente mille francs de rente au comptant, payables le quinze.

— C’est vrai, je dors encore.

Le caissier regarda Birotteau d’un air louche et sortit.

— Si la vérité était bannie de la terre, elle confierait son dernier mot à un caissier, dit du Tillet. N’avez-vous pas un intérêt chez le petit Popinot qui vient de s’établir ? dit-il après une horrible pause pendant laquelle la sueur emperla le front du parfu-