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s’habillèrent sur les quatre heures, après avoir livré l’entresol au bras séculier des gens de Chevet. Jamais toilette n’alla mieux à madame César que cette robe de velours cerise, garnie en dentelles, à manches courtes ornées de jockeis : ses beaux bras, encore frais et jeunes, sa poitrine étincelante de blancheur, son col, ses épaules d’un si joli dessin, étaient rehaussés par cette riche étoffe et par cette magnifique couleur. Le naïf contentement que toute femme éprouve à se voir dans toute sa puissance donna je ne sais quelle suavité au profil grec de la parfumeuse, dont la beauté parut dans toute sa finesse de camée. Césarine, habillée en crêpe blanc, avait une couronne de roses blanches sur la tête, une rose à son côté ; une écharpe lui couvrait chastement les épaules et le corsage ; elle rendit Popinot fou.

— Ces gens-là nous écrasent, dit madame Roguin à son mari en parcourant l’appartement.

La notaresse était furieuse de ne pas être aussi belle que madame César, car toute femme sait toujours en elle-même à quoi s’en tenir sur la supériorité ou l’infériorité d’une rivale.

— Bah ! ça ne durera pas long-temps, et bientôt tu éclabousseras la pauvre femme en la rencontrant à pied dans les rues, et ruinée ! dit Roguin bas à sa femme.

Vauquelin fut d’une grâce parfaite ; il vint avec monsieur de Lacépède, son collègue de l’Institut, qui l’était allé prendre en voiture. En voyant la resplendissante parfumeuse, les deux savants tombèrent dans le compliment scientifique.

— Vous avez, madame, un secret que la science ignore, pour rester ainsi jeune et belle, dit le chimiste.

— Vous êtes ici un peu chez vous, monsieur l’académicien, dit Birotteau. Oui, monsieur le comte, reprit-il en se tournant vers le grand-chancelier de la Légion-d’Honneur, je dois ma fortune à monsieur Vauquelin. J’ai l’honneur de présenter à Votre Seigneurie monsieur le président du tribunal de commerce. C’est monsieur le comte de Lacépède, pair de France, un des grands hommes de la France ; il a écrit quarante volumes, dit-il à Joseph Lebas qui accompagnait le président du tribunal.

Les convives furent exacts. Le dîner fut ce que sont les dîners de commerçants, extrêmement gai, plein de bonhomie, historié par de grosses plaisanteries qui font toujours rire. L’excellence des mets, la bonté des vins furent bien appréciées. Quand la société ren-