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présentait la Vénus accroupie sur un beau bloc de marbre ; un joli tapis en moquette, et d’un dessin turc, unissait cette pièce à la chambre de Césarine, tendue en perse et fort coquette : un piano, une jolie armoire à glace, un petit lit chaste à rideaux simples, et tous les petits meubles qu’aiment les jeunes personnes. La salle à manger était derrière la chambre de Birotteau et celle de sa femme, on y entrait par l’escalier, elle avait été traitée dans le genre dit Louis XIV, avec la pendule de Boulle, les buffets de cuivre et d’écaille, les murs tendus en étoffe à clous dorés. La joie de ces trois personnes ne saurait se décrire, surtout quand, en revenant dans sa chambre, madame Birotteau trouva sur son lit sa robe de velours cerise garnie en dentelles que lui offrait son mari, et que Virginie y avait apportée en revenant sur la pointe des pieds.

— Monsieur, cet appartement vous fera beaucoup d’honneur, dit Constance à Grindot. Nous aurons cent et quelques personnes demain soir, et vous recueillerez les éloges de tout le monde.

— Je vous recommanderai, dit César. Vous verrez la tête du commerce, et vous serez connu dans une seule soirée plus que si vous aviez bâti cent maisons.

Constance émue ne pensait plus à la dépense ni à critiquer son mari. Voici pourquoi. Le matin, en apportant Héro et Léandre, Anselme Popinot, à qui Constance accordait une haute intelligence et de grands moyens, lui avait affirmé le succès de l’Huile Céphalique auquel il travaillait avec un acharnement sans exemple. L’amoureux avait promis que, malgré la rondeur du chiffre auquel s’élèveraient les folies de Birotteau, dans six mois ces dépenses seraient couvertes par sa part dans les bénéfices donnés par l’huile. Après avoir tremblé pendant dix-neuf ans, il était si doux de se livrer un seul jour à la joie, que Constance promit à sa fille de n’empoisonner le bonheur de son mari par aucune réflexion, et de s’y laisser aller tout entière. Quand, vers onze heures, monsieur Grindot les quitta, elle se jeta donc au cou de son mari et versa quelques pleurs de contentement en disant : — César ! ah ! tu me rends bien folle et bien heureuse.

— Pourvu que cela dure, n’est-ce pas ? dit en souriant César.

— Cela durera, je n’ai plus de crainte, dit madame Birotteau.

— À la bonne heure, dit le parfumeur, tu m’apprécies enfin.

Les gens assez grands pour reconnaître leurs faiblesses avoueront qu’une pauvre orpheline qui, dix-huit ans auparavant, était pre-