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— C’est-à-dire les rois et les savetiers qui se seront saintement conduits, dit Birotteau.

— C’est votre fils, dit Vauquelin en regardant le petit Popinot hébété de ne rien voir d’extraordinaire dans le cabinet où il croyait trouver des monstruosités, de gigantesques machines, des métaux volants, des substances animées.

— Non, monsieur, mais un jeune homme que j’aime et qui vient implorer une bonté égale à votre talent ; n’est-elle pas infinie, dit-il d’un air fin. Nous venons vous consulter une seconde fois, à seize ans de distance, sur une matière importante, et sur laquelle je suis ignorant comme un parfumeur.

— Voyons, qu’est-ce ?

— Je sais que les cheveux occupent vos veilles, et que vous vous livrez à leur analyse ! pendant que vous y pensiez pour la gloire, j’y pensais pour le commerce.

— Cher monsieur Birotteau, que voulez-vous de moi ? l’analyse des cheveux ? Il prit un petit papier. Je vais lire à l’Académie des sciences un mémoire sur ce sujet. Les cheveux sont formés d’une quantité assez grande de mucus, d’une petite quantité d’huile blanche, de beaucoup d’huile noir-verdâtre, de fer, de quelques atomes d’oxyde de manganèse, de phosphate de chaux, d’une très-petite quantité de carbonate de chaux, de silice et de beaucoup de soufre. Les différentes proportions de ces matières font les différentes couleurs des cheveux. Ainsi les rouges ont beaucoup plus d’huile noir-verdâtre que les autres.

César et Popinot ouvraient des yeux d’une grandeur risible.

— Neuf choses, s’écria Birotteau. Comment ! il se trouve dans un cheveu des métaux et des huiles ? il faut que ce soit vous, un homme que je vénère, qui me le dise pour que je le croie. Est-ce extraordinaire ? Dieu est grand, monsieur Vauquelin.

— Le cheveu est produit par un organe folliculaire, reprit le grand chimiste, une espèce de poche ouverte à ses deux extrémités ; par l’une elle tient à des nerfs et à des vaisseaux, par l’autre sort le cheveu. Selon quelques-uns de nos savants confrères, et parmi eux monsieur de Blainville, le cheveu serait une partie morte expulsée de cette poche ou crypte que remplit une matière pulpeuse.

— C’est comme qui dirait de la sueur en bâton, s’écria Popinot à qui le parfumeur donna un petit coup de pied dans le talon.

Vauquelin sourit à l’idée de Popinot.