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dictée par une indulgente paternité qui lui disait : Mérite Césarine en devenant riche et considéré.

— Monsieur, répondit-il enfin en prenant l’émotion de Birotteau pour de l’étonnement, moi aussi je réussirai !

— Voilà comme j’étais, s’écria le parfumeur, je n’ai pas dit un autre mot. Si tu n’as pas ma fille, tu auras toujours une fortune. Eh ! bien, garçon, qu’est-ce qui te prend ?

— Laissez-moi espérer qu’en acquérant l’une j’obtiendrai l’autre.

— Je ne puis t’empêcher d’espérer, mon ami, dit Birotteau touché par le ton d’Anselme.

— Eh ! bien, monsieur, puis-je dès aujourd’hui prendre mes mesures pour trouver une boutique afin de commencer au plus tôt ?

— Oui, mon enfant. Demain nous irons nous enfermer tous deux à la fabrique. Avant d’aller dans le quartier de la rue des Lombards, tu passeras chez Livingston, pour savoir si ma presse hydraulique pourra fonctionner demain. Ce soir, nous irons, à l’heure du dîner, chez l’illustre et bon monsieur Vauquelin pour le consulter. Ce savant s’est occupé tout récemment de la composition des cheveux, il a recherché quelle était leur substance colorante, d’où elle provenait, quelle était la contexture des cheveux. Tout est là, Popinot. Tu sauras mon secret, et il ne s’agira plus que de l’exploiter avec intelligence. Avant d’aller chez Livingston, passe chez Pieri Bénard. Mon enfant, le désintéressement de monsieur Vauquelin est une des grandes douleurs de ma vie : il est impossible de lui rien faire accepter. Heureusement, j’ai su par Chiffreville qu’il voulait une Vierge de Dresde, gravée par un certain Muller, et, après deux ans de correspondance en Allemagne, Bénard a fini par la trouver sur papier de Chine, avant la lettre : elle coûte quinze cents francs, mon garçon. Aujourd’hui, notre bienfaiteur la verra dans son antichambre en nous reconduisant, car elle doit être encadrée, tu t’en assureras. Nous nous rappellerons ainsi à son souvenir, ma femme et moi, car quant à la reconnaissance, voilà seize ans que nous prions Dieu, tous les jours, pour lui. Moi, je ne l’oublierai jamais ; mais, Popinot, enfoncés dans la science, les savants oublient tout, femmes, amis, obligés. Nous autres, notre peu d’intelligence nous permet au moins d’avoir le cœur chaud. Ça console de ne pas être un grand homme. Ces mes-