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vieille fille et Birotteau, le baron de Listomère, qui espérait être compris, en qualité de capitaine de corvette, dans la première promotion, annoncée depuis quelque temps au Ministère de la Marine, reçut une lettre par laquelle l’un de ses amis lui annonçait qu’il était question dans les bureaux de le mettre hors du cadre d’activité. Étrangement surpris de cette nouvelle, il partit immédiatement pour Paris, et vint à la première soirée du ministre, qui en parut fort étonné lui-même, et se prit à rire en apprenant les craintes dont lui fit part le baron de Listomère. Le lendemain, nonobstant la parole du ministre, le baron consulta les Bureaux. Par une indiscrétion que certains chefs commettent assez ordinairement pour leurs amis, un secrétaire lui montra un travail tout préparé, mais que la maladie d’un directeur avait empêché jusqu’alors d’être soumis au ministre, et qui confirmait la fatale nouvelle. Aussitôt, le baron de Listomère alla chez un de ses oncles, lequel, en sa qualité de député, pouvait voir immédiatement le ministre à la Chambre, et il le pria de sonder les dispositions de Son Excellence, car il s’agissait pour lui de la perte de son avenir. Aussi attendit-il avec la plus vive anxiété, dans la voiture de son oncle, la fin de la séance. Le député sortit bien avant la clôture, et dit à son neveu pendant le chemin qu’il fit en se rendant à son hôtel : — Comment, diable ! vas-tu te mêler de faire la guerre aux prêtres ? Le ministre a commencé par m’apprendre que tu t’étais mis à la tête des Libéraux à Tours ! Tu as des opinions détestables, tu ne suis pas la ligne du gouvernement, etc. Ses phrases étaient aussi entortillées que s’il parlait encore à la Chambre. Alors je lui ai dit : — Ah ! çà, entendons-nous ? Son Excellence a fini par m’avouer que tu étais mal avec la Grande-Aumônerie. Bref, en demandant quelques renseignements à mes collègues, j’ai su que tu parlais fort légèrement d’un certain abbé Troubert, simple vicaire-général, mais le personnage le plus important de la province où il représente la Congrégation. J’ai répondu de toi corps pour corps au ministre. Monsieur mon neveu, si tu veux faire ton chemin, ne te crée aucune inimitié sacerdotale. Va vite à Tours, fais-y ta paix avec ce diable de vicaire-général. Apprends que les vicaires-généraux sont des hommes avec lesquels il faut toujours vivre en paix. Morbleu ! lorsque nous travaillons tous à rétablir la religion, il est stupide à un lieutenant de vaisseau, qui veut être capitaine, de déconsidérer les prêtres. Si tu ne te raccommodes pas avec l’abbé Troubert, ne