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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

Madame Piédefer faisait des signes à sa fille que Dinah finit par apercevoir.

— Il n’y a que vos intérêts qui puissent vous amener ici, dit-elle avec amertume.

— Nos intérêts, répondit froidement le petit homme, car nous avons des enfants… Votre oncle Silas Piédefer est mort à New-York, où, après avoir fait et perdu plusieurs fortunes dans divers pays, il a fini par laisser quelque chose comme sept à huit cent mille francs, on dit douze cent mille francs ; mais il s’agit de réaliser des marchandises… Je suis le chef de la communauté, j’exerce vos droits.

— Oh ! s’écria Dinah, en tout ce qui concerne les affaires, je n’ai de confiance qu’en monsieur de Clagny ; il connaît les lois, entendez-vous avec lui ; ce qui sera fait par lui sera bien fait.

— Je n’ai pas besoin de monsieur de Clagny, dit monsieur de La Baudraye, pour vous retirer mes enfants…

— Vos enfants ! s’écria Dinah, vos enfants à qui vous n’avez pas envoyé une obole ! vos enfants !…

Elle n’ajouta rien qu’un immense éclat de rire ; mais l’impassibilité du petit La Baudraye jeta de la glace sur cette explosion.

— Madame votre mère vient de me les montrer, ils sont charmants, je ne veux pas me séparer d’eux, et je les emmène à notre château d’Anzy, dit monsieur de La Baudraye quand ce ne serait que pour leur éviter de voir leur mère déguisée comme se déguisent les…

— Assez ! dit impérieusement madame de La Baudraye. Que vouliez-vous de moi en venant ici ?…

— Une procuration pour recueillir la succession de notre oncle Silas…

Dinah prit une plume, écrivit deux mots à monsieur de Clagny et dit à son mari de revenir le soir. À cinq heures, l’Avocat-Général, monsieur de Clagny avait eu de l’avancement, éclaira madame de la Baudraye sur sa position ; mais il se chargea de la régulariser en faisant un compromis avec le petit vieillard, que l’avarice avait amené. Monsieur de La Baudraye, à qui la procuration de sa femme était nécessaire pour agir à sa guise, l’acheta par les concessions suivantes : il s’engagea d’abord à faire à sa femme une pension de dix mille francs tant qu’il lui conviendrait, fut-il dit dans l’acte, de vivre à Paris ; mais, à mesure que les enfants atteindraient à l’âge de six ans, ils seraient remis à monsieur de La Baudraye. Enfin le