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LES PARISIENS EN PROVINCE : LA MUSE DU DÉPARTEMENT.

Vous rougiriez les premières
De vos danses si grossières,
De votre laid Carnaval
Dont le froid bleuit les joues,
Et qui saute dans les boues,
Chaussé de peau de cheval.

C’est dans un bouge obscur, c’est à de pâles filles
Que Paquita redit ces chants ;
Dans ce Rouen si noir, dont les frêles aiguilles
Mâchent l’orage avec leurs dents ;
Dans ce Rouen si laid, si bruyant, si colère…
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Un magnifique description de Rouen, où jamais Dinah n’était allée, faite avec cette brutalité postiche qui dicta plus tard tant de poésies juvénalesques, opposait la vie des cités industrielles à la vie nonchalante de l’Espagne, l’amour du ciel et des beautés humaines au culte des machines, enfin la poésie à la spéculation. Et Jan Diaz expliquait l’horreur de Paquita pour la Normandie en disant :

Paquita, voyez-vous, naquit dans la Séville
Au bleu ciel, aux soirs embaumés ;
Elle était, à treize ans, la reine de sa ville,
Et tous voulaient en être aimés.
Oui, trois toréadors se firent tuer pour elle ;
Car le prix du vainqueur était
Un seul baiser à prendre aux lèvres de la belle
Que tout Séville convoitait.
.................

Le posif du portrait de la jeune Espagnole a servi depuis à tant de courtisanes dans tant de prétendus poèmes qu’il serait fastidieux de reproduire ici les cent vers dont il se compose. Mais, pour juger des hardiesses auxquelles Dinah s’était abandonnée, il suffit d’en donner la conclusion. Selon l’ardente madame de La Baudraye, Paquita fut si bien créée pour l’amour qu’elle pouvait difficilement rencontrer des cavaliers dignes d’elle ; car,

..........dans sa volupté vive,
On les eût vus tous succomber,
Quand au festin d’amour, dans son humeur lascive,
Elle n’eût fait que s’attabler.
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