Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, VI.djvu/340

Cette page a été validée par deux contributeurs.

douzaine de choux, ou des bois de quoi se faire un curedent, mon homme parle alors de la consolidation des propriétés, des impôts, des rentrées, des réparations, d’un tas de bêtises, et je dépense mon temps et ma salive en patriotisme. Mauvaise affaire ! Généralement le Mouvement est mou. Je l’écris à ces messieurs. Ça me fait de la peine, rapport à mes opinions. Pour le Globe, autre engeance. Quand on parle de doctrines nouvelles aux gens qu’on croit susceptibles de donner dans ces godans-là, il semble qu’on leur parle de brûler leurs maisons. J’ai beau leur dire que c’est l’avenir, l’intérêt bien entendu, l’exploitation où rien ne se perd ; qu’il y a bien assez long-temps que l’homme exploite l’homme, et que la femme est esclave, qu’il faut arriver à faire triompher la grande pensée providentielle et obtenir une coordonnation plus rationnelle de l’ordre social, enfin tout le tremblement de mes phrases… Ah ! bien, oui, quand j’ouvre ces idées-là, les gens de province ferment leurs armoires, comme si je voulais leur emporter quelque chose, et ils me prient de m’en aller. Sont-ils bêtes, ces canards-là ! Le Globe est enfoncé. Je leur ai dit : — Vous êtes trop avancés ; vous allez en avant, c’est bien ; mais il faut des résultats, la province aime les résultats. Cependant j’ai encore fait cent Globes, et vu l’épaisseur de ces boules campagnardes, c’est un miracle. Mais je leur promets tant de belles choses, que je ne sais pas, ma parole d’honneur, comment les globules, globistes, globards ou globiens, feront pour les réaliser ; mais comme ils m’ont dit qu’ils ordonneraient le monde infiniment mieux qu’il ne l’est, je vais de l’avant et prophétise à raison de dix francs par abonnement. Il y a un fermier qui a cru que ça concernait les terres, à cause du nom, et je l’ai enfoncé dans le Globe. Bah ! il y mordra, c’est sûr, il a un front bombé, tous les fronts bombés sont idéologues. Ah ! parlez-moi des Enfants ! J’ai fait deux mille Enfants de Paris à Blois. Bonne petite affaire ! Il n’y a pas tant de paroles à dire. Vous montrez la petite vignette à la mère en cachette de l’enfant pour que l’enfant veuille la voir ; naturellement l’enfant la voit, il tire maman par sa robe jusqu’à ce qu’il ait son journal, parce que papa na son journal. La maman a une robe de vingt francs, et ne veut pas que son marmot la lui déchire ; le journal ne coûte que six francs, il y a économie, l’abonnement déboule. Excellente chose, c’est un besoin réel, c’est placé entre la confiture et l’image, deux éternels besoins de l’enfance. Ils lisent déjà, les enragés d’enfants ! Ici, j’ai eu, à la table d’hôte