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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

sans doute sur l’ordre de son vrai maître, allait au pas, au moins dans la ville.

— S’ils s’en vont à Paris, tout est perdu, se dit monsieur Hochon.

En ce moment, un petit gars du faubourg de Rome arriva chez monsieur Hochon, il apportait une lettre pour Baruch. Les deux petits-fils du vieillard, penauds depuis le matin, s’étaient consignés d’eux-mêmes chez leur grand-père. En réfléchissant à leur avenir, ils avaient reconnu combien ils devaient ménager leurs grands parents. Baruch ne pouvait guère ignorer l’influence qu’exerçait son grand-père Hochon sur son grand-père et sa grand-mère Borniche ; monsieur Hochon ne manquerait pas de faire avantager Adolphine de tous les capitaux des Borniche, si sa conduite les autorisait à reporter leurs espérances dans le grand mariage dont on l’avait menacé le matin même. Plus riche que François, Baruch avait beaucoup à perdre ; il fut donc pour une soumission absolue, en n’y mettant pas d’autres conditions que le payement des dettes contractées avec Max. Quant à François, son avenir était entre les mains de son grand-père ; il n’espérait de fortune que de lui, puisque, d’après le compte de tutelle, il devenait son débiteur. De solennelles promesses furent alors faites par les deux jeunes gens dont le repentir fut stimulé par leurs intérêts compromis, et madame Hochon les rassura sur leurs dettes envers Maxence.

— Vous avez fait des sottises, leur dit-elle, réparez-les par une conduite sage, et monsieur Hochon s’apaisera.

Aussi, quand François eut lu la lettre par-dessus l’épaule de Baruch, lui dit-il à l’oreille :

— Demande conseil à grand-papa ?

— Tenez, fit Baruch en apportant la lettre au vieillard.

— Lisez-la moi, je n’ai pas mes lunettes.

« Mon cher ami,

« J’espère que tu n’hésiteras pas, dans les circonstances graves où je me trouve, à me rendre service en acceptant d’être le fondé de pouvoir de monsieur Rouget. Ainsi, sois à Vatan demain à neuf heures. Je t’enverrai sans doute à Paris ; mais sois tranquille, je te donnerai l’argent du voyage et te rejoindrai promptement, car je suis à peu près sûr d’être forcé de quitter Issoudun le 3 décembre. Adieu, je compte sur ton amitié, compte sur celle de ton ami          Maxence »