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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

s’en allait disant à la Védie (car la pauvre Védie, qui est bien attachée à monsieur, faisait des représentations à madame). « Non ! non ! qu’elle disait, il n’a pas pour moi la moindre affection, il a laissé son neveu me traiter comme la dernière des dernières ! » Et elle pleurait !… à chaudes larmes.

— Eh ! je me moque bien de Philippe ! s’écria le vieillard que Maxence observait. Où est Flore ? Comment peut-on savoir où elle est ?

— Philippe, de qui vous suivez les conseils, vous aidera, répondit froidement Maxence.

— Philippe, dit le vieillard, que peut-il sur cette pauvre enfant ?… Il n’y a que toi, mon bon Max, qui sauras trouver Flore, elle te suivra, tu me la ramèneras…

— Je ne veux pas être en opposition avec monsieur Bridau, fit Max.

— Parbleu ! s’écria Rouget, si c’est ça qui te gêne, il m’a promis de te tuer.

— Ah ! s’écria Gilet en riant, nous verrons…

— Mon ami, dit le vieillard, retrouve Flore et dis lui que je ferai tout ce qu’elle voudra !…

— On l’aura bien vue passer quelque part en ville, dit Maxence à Kouski, sers-nous à dîner, mets tout sur la table, et va t’informer, de place en place, afin de pouvoir nous dire au dessert quelle route a prise mademoiselle Brazier.

Cet ordre calma pour un moment le pauvre homme qui gémissait comme un enfant qui a perdu sa bonne. En ce moment, Maxence, que Rouget haïssait comme la cause de tous ses malheurs, lui semblait un ange. Une passion, comme celle de Rouget pour Flore, ressemble étonnamment à l’enfance. À six heures, le Polonais, qui s’était tout bonnement promené, revint et annonça que la Rabouilleuse avait suivi la route de Vatan.

— Madame retourne dans son pays, c’est clair, dit Kouski.

— Voulez-vous venir ce soir à Vatan ? dit Max au vieillard, la route est mauvaise, mais Kouski sait conduire, et vous ferez mieux votre raccommodement ce soir a huit heures que demain matin.

— Partons, s’écria Rouget.

— Mets tout doucement les chevaux, et tâche que la ville ne sache rien de ces bêtises-là, pour l’honneur de monsieur Rouget. Selle mon cheval, j’irai devant, dit-il à l’oreille de Kouski.