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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

armée fêtaient chaque année à Issoudun l’anniversaire du couronnement de l’Empereur ; eh ! bien, dans deux jours, Maxence et moi, nous nous verrons.

— S’il a la procuration le premier décembre au matin, il prendra la poste pour aller à Paris, et laissera là très bien l’anniversaire…

— Bon, il s’agit de chambrer, mon oncle ; mais j’ai le regard qui plombe les imbéciles, dit Philippe en faisant trembler monsieur Hochon par un coup d’œil atroce.

— S’ils l’ont laissé se promener avec vous, Maxence aura sans doute découvert un moyen de gagner la partie, fit observer le vieil avare.

— Oh ! Fario veille, répliqua Philippe, et il n’est pas seul à veiller. Cet Espagnol m’a découvert aux environs de Vatan un de mes anciens soldats à qui j’ai rendu service. Sans qu’on s’en doute, Benjamin Bourdet est aux ordres de mon Espagnol, qui lui-même a mis un de ses chevaux à la disposition de Benjamin.

— Si vous tuez ce monstre qui m’a perverti mes petits-enfants, vous ferez certes une bonne action.

— Aujourd’hui, grâce à moi, l’on sait dans tout Issoudun ce que monsieur Maxence a fait la nuit depuis six ans, répondit Philippe. Et les disettes, selon votre expression, vont leur train sur lui. Moralement, il est perdu !…

Dès que Philippe sortit de chez son oncle, Flore entra dans la chambre de Maxence pour lui raconter les moindres détails de la visite que venait de faire l’audacieux neveu.

— Que faire ? dit-elle.

— Avant d’arriver au dernier moyen, qui sera de me battre avec ce grand cadavre-là, répondit Maxence, il faut jouer quitte ou double en essayant un grand coup. Laisse aller notre imbécile avec son neveu !

— Mais ce grand mâtin-là ne va pas par quatre chemins, s’écria Flore, il lui nommera les choses par leur nom.

— Écoute-moi donc, dit Maxence d’un son de voix strident. Crois-tu que je n’aie pas écouté aux portes et réfléchi à notre position ? Demande un cheval et un char-à-bancs au père Cognet, il les faut à l’instant ! tout doit être paré en cinq minutes. Mets là dedans toutes tes affaires, emmène la Védie et cours à Vatan, installe-toi là comme une femme qui veut y demeurer, emporte le