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LES CÉLIBATAIRES : UN MÉNAGE DE GARÇON.

elle l’entendit annoncer que le nom des Lousteau deviendrait célèbre. Puis il n’hésita point à reconnaître les fautes de sa vie. À un reproche amical que lui adressa madame Hochon à voix basse, il dit avoir fait bien des réflexions dans la prison, et lui promit d’être à l’avenir un tout autre homme.

Sur un mot que lui dit Philippe, monsieur Hochon sortit avec lui. Quand l’avare et le soldat furent sur le boulevard Baron, à une place où personne ne pouvait les entendre, le colonel dit au vieillard : — Monsieur, si vous voulez me croire, nous ne parlerons jamais d’affaires, ni des personnes autrement qu’en nous promenant dans la campagne, ou dans des endroits où nous pourrons causer sans être entendus. Maître Desroches m’a très bien expliqué l’influence des commérages dans une petite ville. Je ne veux donc pas que vous soyez soupçonné de m’aider de vos conseils, quoique Desroches m’ait dit de vous les demander, et que je vous prie de ne pas me les épargner. Nous avons un ennemi puissant en tête, il ne faut négliger aucune précaution pour parvenir à s’en défaire. Et, d’abord, excusez-moi, si je ne vais plus vous voir. Un peu de froideur entre nous vous laissera net de toute influence dans ma conduite. Quand j’aurai besoin de vous consulter, je passerai sur la place à neuf heures et demie, au moment où vous sortez de déjeuner. Si vous me voyez tenant ma canne au port d’armes, cela voudra dire qu’il faut nous rencontrer, par hasard, en un lieu de promenade que vous m’indiquerez.

— Tout cela me semble d’un homme prudent et qui veut réussir, dit le vieillard.

— Et je réussirai, monsieur. Avant tout, indiquez-moi les militaires de l’ancienne armée revenus ici, qui ne sont point du parti de ce Maxence Gilet, et avec lesquels je puisse me lier.

— Il y a d’abord un capitaine d’artillerie de la Garde, monsieur Mignonnet, un homme sorti de l’École Polytechnique, âgé de quarante ans, et qui vit modestement, il est plein d’honneur et s’est prononcé contre Max dont la conduite lui semble indigne d’un vrai militaire.

— Bon ! fit le lieutenant-colonel.

— Il n’y a pas beaucoup de militaires de cette trempe, reprit monsieur Hochon, car je ne vois plus ici qu’un ancien capitaine de cavalerie.

— C’est mon arme, dit Philippe. Était-il dans la Garde ?