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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

elles se sont mises à rire de moi, en disant que je n’étais pas beau ; je leur ai répondu que dans les grimaces, il y avait des bijoux. De là, je me suis promené par la grande allée jusqu’à Tivoli ; ou j’ai causé avec le jardinier… Faites vérifier ces faits, et ne me mettez même pas en état d’arrestation, car je vous donne ma parole de rester dans votre cabinet jusqu’à ce que vous soyez convaincus de mon innocence.

Ce discours sensé, dit sans aucune hésitation et avec l’aisance d’un homme sûr de son affaire, fit quelque impression sur les magistrats.

— Allons, il faut citer tous ces gens-là, les trouver, dit monsieur Mouilleron, mais ce n’est pas l’affaire d’un jour. Résolvez-vous donc, dans votre intérêt, à rester au secret au Palais.

— Pourvu que je puisse écrire à ma mère afin de la rassurer, la pauvre femme… Oh ! vous lirez la lettre.

Cette demande était trop juste pour ne pas être accordée, et Joseph écrivit ce petit mot :

« N’aie aucune inquiétude, ma chère mère, l’erreur, dont je suis victime, sera facilement reconnue, et j’en ai donné les moyens. Demain, ou peut-être ce soir, je serai libre. Je t’embrasse, et dis à monsieur et madame Hochon combien je suis peiné de ce trouble dans lequel je ne suis pour rien, car il est l’ouvrage d’un hasard que je ne comprends pas encore. »

Quand la lettre arriva, madame Bridau se mourait dans une attaque nerveuse ; et les potions que monsieur Goddet essayait de lui faire prendre par gorgées, étaient impuissantes. Aussi la lecture de cette lettre fut-elle comme un baume. Après quelques secousses, Agathe tomba dans l’abattement qui suit de pareilles crises. Quand monsieur Goddet revint voir sa malade, il la trouva regrettant d’avoir quitté Paris.

— Dieu m’a punie, disait-elle les larmes aux yeux. Ne devais-je pas me confier à lui, ma chère marraine, et attendre de sa bonté la succession de mon frère !…

— Madame, si votre fils est innocent, Maxence est un profond scélérat, lui dit à l’oreille monsieur Hochon, et nous ne serons pas les plus forts dans cette affaire ; ainsi, retournez à Paris.

— Eh ! bien, dit madame Hochon à monsieur Goddet, comment va monsieur Gilet ?

— Mais, quoique grave, la blessure n’est pas mortelle. Après un