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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

entrer ici, nous piller, dit monsieur Hochon devenu blême (il avait de l’or dans sa cave).

— Et Agathe ?

— Elle dort comme une marmotte !

— Ah ! tant mieux, dit madame Hochon, je voudrais qu’elle dormît pendant le temps que cette affaire s’éclaircira. Un pareil assaut tuerait cette pauvre petite !

Mais Agathe s’éveilla, descendit à peine habillée, car les réticences de Gritte qu’elle questionna lui avaient bouleversé la tête et le cœur. Elle trouva madame Hochon pâle et les yeux pleins de larmes à l’une des fenêtres de la salle, avec son mari.

— Du courage, ma petite, Dieu nous envoie nos afflictions, dit la vieille femme. On accuse Joseph !…

— De quoi ?

— D’une mauvaise action qu’il ne peut pas avoir commise, répondit madame Hochon.

En entendant ce mot et voyant entrer le lieutenant de gendarmerie, messieurs Mouilleron et Lousteau-Prangin, Agathe s’évanouit.

— Tenez, dit monsieur Hochon à sa femme et à Gritte, emmenez madame Bridau, les femmes ne peuvent être que gênantes dans de pareilles circonstances. Retirez-vous toutes les deux avec elle dans votre chambre. Asseyez-vous, messieurs, fit le vieillard. La méprise qui nous vaut votre visite ne tardera pas, je l’espère, à s’éclaircir.

— Quand il y aurait méprise, dit monsieur Mouilleron, l’exaspération est si forte dans cette foule, et les têtes sont tellement montées, que je crains pour l’inculpé… Je voudrais le tenir au Palais et donner satisfaction aux esprits.

— Qui se serait douté de l’affection que monsieur Maxence Gilet a inspirée ?… dit Lousteau-Prangin.

— Il débouche en ce moment douze cents personnes du faubourg de Rome, vient de me dire un de mes hommes, fit observer le lieutenant de gendarmerie, et ils poussent des cris de mort.

— Où donc est votre hôte ? dit monsieur Mouilleron à monsieur Hochon.

— Il est allé se promener dans la campagne, je crois…

— Rappelez Gritte, dit gravement le juge d’instruction, j’espérais que monsieur Bridau n’avait pas quitté la maison. Vous n’igno-