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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

le dessus. Aussi dois-tu prier monsieur Hochon de surveiller, autant qu’il le pourra, la fortune de ton oncle. Il s’agit de savoir si les propriétés sont hypothéquées, comment et au nom de qui sont faits les placements. Il est si facile d’inspirer à un vieillard des craintes sur sa vie, au cas où il se dépouille de ses biens en faveur d’étrangers, qu’un héritier tant soit peu rusé pourrait arrêter une spoliation dès son commencement. Mais est-ce ta mère avec son ignorance du monde, son désintéressement, ses idées religieuses, qui saura mener une semblable machine ?… Enfin, je ne puis que vous éclairer. Tout ce que vous avez fait jusqu’à présent a dû donner l’alarme, et peut-être vos antagonistes se mettent-ils en règle !… »

— Voilà ce que j’appelle une consultation en bonne forme, s’écria monsieur Hochon fier d’être apprécié par un avoué de Paris.

— Oh ! Desroches est un fameux gars, répondit Joseph.

— Il ne serait pas inutile de faire lire cette lettre à ces deux femmes, reprit le vieil avare.

— La voici, dit l’artiste en remettant la lettre au vieillard. Quant à moi, je veux partir dès demain, et vais aller faire mes adieux à mon oncle.

— Ah ! dit monsieur Hochon, monsieur Desroches vous prie, par post-scriptum, de brûler la lettre.

— Vous la brûlerez après l’avoir montrée à ma mère, dit le peintre.

Joseph Bridau s’habilla, traversa la petite place et se présenta chez son oncle, qui précisément achevait son déjeuner. Max et Flore étaient à table.

— Ne vous dérangez pas, mon cher oncle, je viens vous faire mes adieux.

— Vous partez ? fit Max en échangeant un regard avec Flore.

— Oui, j’ai des travaux au château de monsieur de Sérizy, je suis d’autant plus pressé d’y aller qu’il a les bras assez longs pour rendre service à mon pauvre frère, à la Chambre des Pairs.

— Eh ! bien, travaille, dit d’un air niais le bonhomme Rouget qui parut à Joseph extraordinairement changé. Faut travailler… je suis fâché que vous vous en alliez…

— Oh ! ma mère reste encore quelque temps, reprit Joseph.

Max fit un mouvement de lèvres que remarqua la gouvernante et qui signifiait : — Ils vont suivre le plan dont m’a parlé Baruch.

— Je suis bien heureux d’être venu, dit Joseph, car j’ai eu le