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II. LIVRE, SCÈNES DE LA VIE DE PROVINCE.

si crétin du moment où il a l’esprit de se réjouir les yeux par une Vénus du Titien.

— S’il n’était pas imbécile, dit monsieur Hochon qui survint, il se serait marié tranquillement, il aurait eu des enfants, et vous n’auriez pas la chance d’avoir sa succession. À quelque chose malheur est bon.

— Votre fils a eu là une bonne idée, il ira le premier rendre visite à son oncle, dit madame Hochon ; il lui fera entendre que, si vous vous présentez, il doit être seul.

— Et vous froisserez mademoiselle Brazier ? dit monsieur Hochon. Non, non, madame, avalez cette douleur… Si vous n’avez pas la succession, tâchez d’avoir au moins un petit legs…

Les Hochon n’étaient pas de force à lutter avec Maxence Gilet. Au milieu du déjeuner, le Polonais apporta, de la part de son maître, monsieur Rouget, une lettre adressée à sa sœur madame Bridau. Voici cette lettre, que madame Hochon fit lire à son mari :

« Ma chère sœur,

» J’apprends par des étrangers votre arrivée à Issoudun. Je devine le motif qui vous a fait préférer la maison de monsieur et madame Hochon à la mienne ; mais, si vous venez me voir, vous serez reçue chez moi comme vous devez l’être. Je serais allé le premier vous faire visite si ma santé ne me contraignait en ce moment à rester au logis. Je vous présente mes affectueux regrets. Je serai charmé de voir mon neveu, que j’invite à dîner avec moi aujourd’hui ; car les jeunes gens sont moins susceptibles que les femmes sur la compagnie. Aussi me fera-t-il plaisir en venant accompagné de messieurs Baruch, Borniche et François Hochon.

« Votre affectionné frère,
J.-J. Rouget. »

— Dites que nous sommes à déjeuner, que madame Bridau répondra tout à l’heure et que les invitations sont acceptées, fit monsieur Hochon à sa servante.

Et le vieillard se mit un doigt sur les lèvres pour imposer silence à tout le monde. Quand la porte de la rue fut fermée, monsieur Hochon, incapable de soupçonner l’amitié qui liait ses deux petits fils à Maxence, jeta sur sa femme et sur Agathe un de ses plus fins