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LES CÉLIBATAIRES : UN MÉNAGE DE GARÇON.

— Tousse ! tousse ! dit Flore dans la cuisine, sans s’inquiéter d’être ou non entendue par son maître. Pardè, le vieux scélérat est assez fort pour résister sans qu’on s’inquiète de lui. S’il tousse jamais son âme, celui-là, ce ne sera qu’après nous…

Telles étaient les aménités que la Rabouilleuse adressait à Rouget en ses moments de colère. Le pauvre homme s’assit dans une profonde tristesse, au milieu de la salle, au coin de la table, et regarda ses vieux meubles, ses vieux tableaux d’un air désolé.

— Vous auriez bien pu mettre une cravate, dit Flore en entrant. Croyez-vous que c’est agréable à voir un cou comme le vôtre qu’est plus rouge, plus ridé que celui d’un dindon.

— Mais que vous ai-je fait ? demanda-t-il en levant ses gros yeux vert-clair pleins de larmes vers Flore en affrontant sa mine froide.

— Ce que vous avez fait ?… dit-elle. Vous ne le savez pas ! En voilà un hypocrite ?… Votre sœur Agathe, qui est votre sœur comme je suis celle de la Tour d’Issoudun, à entendre votre père, et qui ne vous est de rien du tout, arrive de Paris avec son fils, ce méchant peintre de deux sous, et viennent vous voir…

— Ma sœur et mes neveux viennent à Issoudun ?… dit-il tout stupéfait.

— Oui, jouez l’étonné, pour me faire croire que vous ne leur avez pas écrit de venir ? Cette malice cousue de fil blanc ! Soyez tranquille, nous ne troublerons point vos Parisiens, car, avant qu’ils n’aient mis les pieds ici, les nôtres n’y feront plus de poussière. Max et moi nous serons partis pour ne jamais revenir. Quant à votre testament, je le déchirerai en quatre morceaux à votre nez et à votre barbe, entendez-vous… Vous laisserez votre bien à votre famille, puisque nous ne sommes pas votre famille. Après, vous verrez si vous serez aimé pour vous-même par des gens qui ne vous ont pas vu depuis trente ans, qui ne vous ont même jamais vu ! C’est pas votre sœur qui me remplacera ! Une dévote à trente-six carats !

— N’est-ce que cela, ma petite Flore ? dit le vieillard, je ne recevrai ni ma sœur, ni mes neveux… Je te jure que voilà la première nouvelle que j’ai de leur arrivée, et c’est un coup monté par madame Hochon, la vieille dévote…

Max, qui put entendre la réponse du père Rouget, se montra tout à coup en disant d’un ton de maître : — Qu’y a-t-il ?…

— Mon bon Max, reprit le vieillard heureux d’acheter la protec-