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LES CÉLIBATAIRES : UN MÉNAGE DE GARÇON.

l’Arrondissement, ont reçu le nom ambitieux de Tivoli. Le dimanche, les couples amoureux se font par là leurs confidences. Nécessairement les traces de l’ancienne grandeur d’Issoudun se révèlent à un observateur attentif, et les plus marquantes sont les divisions de la ville. Le Château, qui formait autrefois à lui seul une ville avec ses murailles et ses douves, constitue un quartier distinct où l’on ne pénètre aujourd’hui que par les anciennes portes, d’où l’on ne sort que par trois ponts jetés sur les bras des deux rivières et qui seul a la physionomie d’une vieille ville. Les remparts montrent encore de place en place leurs formidables assises sur lesquelles s’élèvent des maisons. Au-dessus du Château se dresse la Tour, qui en était la forteresse. Le maître de la ville étalée autour de ces deux points fortifiés, avait à prendre et la Tour et le Château. La possession du Château ne donnait pas encore celle de la Tour. Le faubourg de Saint-Paterne, qui décrit comme une palette au delà de la Tour en mordant sur la prairie, est trop considérable pour ne pas avoir été dans les temps les plus reculés la ville elle-même. Depuis le Moyen-Age, Issoudun, comme Paris, aura gravi sa colline, et se sera groupée au delà de la Tour et du Château. Cette opinion tirait, en 1822, une sorte de certitude de l’existence de la charmante église de Saint-Paterne, récemment démolie par l’héritier de celui qui l’acheta de la Nation. Cette église, un des plus jolis spécimen d’église romane que possédât la France, a péri sans que personne ait pris le dessin du portail, dont la conservation était parfaite. La seule voix qui s’éleva pour sauver le monument ne trouva d’écho nulle part, ni dans la ville, ni dans le département. Quoique le Château d’Issoudun ait le caractère d’une vieille ville avec ses rues étroites et ses vieux logis, la ville proprement dite, qui fut prise et brûlée plusieurs fois à différentes époques, notamment durant la Fronde où elle brûla tout entière, a un aspect moderne. Des rues spacieuses, relativement à l’état des autres villes, et des maisons bien bâties forment avec l’aspect du Château un contraste assez frappant qui vaut à Issoudun, dans quelques géographies, le nom de Jolie.

Dans une ville ainsi constituée, sans aucune activité même commerciale, sans goût pour les arts, sans occupations savantes, où chacun reste dans son intérieur, il devait arriver et il arriva, sous la Restauration, en 1816, quand la guerre eut cessé, que, parmi les jeunes gens de la ville, plusieurs n’eurent aucune carrière à suivre, et ne surent que faire en attendant leur mariage ou la suc-