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le gérant, qui comprit sa peine et la nécessité de faire des démarches, lui donna un congé de quinze jours.

— Ah ! mon ami, c’est nous, avec notre rigueur, qui l’avons poussé là, dit-elle à Joseph en se mettant au lit.

— Je vais aller voir Desroches, lui répondit Joseph.

Pendant que l’artiste confiait les intérêts de son frère à Desroches, qui passait pour le plus madré, le plus astucieux des avoués de Paris, et qui d’ailleurs rendait des services à plusieurs personnages, entre autres à Des Lupeaulx, alors Secrétaire-Général d’un Ministère, Giroudeau se présentait chez la veuve, qui, cette fois, eut confiance en lui.

— Madame, lui dit-il, trouvez douze mille francs, et votre fils sera mis en liberté, faute de preuves. Il s’agit d’acheter le silence de deux témoins.

— Je les aurai, dit la pauvre mère sans savoir où ni comment.

Inspirée par le danger, elle écrivit à sa marraine, la vieille madame Hochon, de les demander à Jean-Jacques Rouget, pour sauver Philippe. Si Rouget refusait, elle pria madame Hochon de les lui prêter en s’engageant à les lui rendre en deux ans. Courrier par courrier, elle reçut la lettre suivante :

« Ma petite, quoique votre frère ait, bel et bien, quarante mille livres de rente, sans compter l’argent économisé depuis dix-sept années, que monsieur Hochon estime à plus de six cent mille francs, il ne donnera pas deux liards pour des neveux qu’il n’a jamais vus. Quant à moi, vous ignorez que je ne disposerai pas de six livres tant que mon mari vivra. Hochon est le plus grand avare d’Issoudun, j’ignore ce qu’il fait de son argent, il ne donne pas vingt francs par an à ses petits-enfants ; pour emprunter, j’aurais besoin de son autorisation, et il me la refuserait. Je n’ai pas même tenté de faire parler à votre frère, qui a chez lui une concubine de laquelle il est le très-humble serviteur. C’est pitié que de voir comment le pauvre homme est traité chez lui, quand il a une sœur et des neveux. Je vous ai fait sous-entendre à plusieurs reprises que votre présence à Issoudun pouvait sauver votre frère, et arracher pour vos enfants, des griffes de cette vermine, une fortune de quarante et peut-être soixante mille livres de rente ; mais vous ne me répondez pas ou vous paraissez ne m’avoir jamais comprise. Aussi suis-je obligée de vous écrire aujourd’hui sans