Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IX.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Rastignac, a épousé l’héritière de la famille de Marcillac. Il n’a eu qu’une fille, qui a épousé le maréchal de Clarimbault, aïeul maternel de madame de Beauséant. Nous sommes la branche cadette, branche d’autant plus pauvre que mon grand-oncle, vice-amiral, a tout perdu au service du roi. Le gouvernement révolutionnaire n’a pas voulu admettre nos créances dans la liquidation qu’il a faite de la compagnie des Indes.

— Monsieur votre grand-oncle ne commandait-il pas le Vengeur avant 1789 ?

— Précisément.

— Alors, il a connu mon grand-père, qui commandait le Warwick.

Maxime haussa légèrement les épaules en regardant madame de Restaud, et eut l’air de lui dire : S’il se met à causer marine avec celui-là, nous sommes perdus. Anastasie comprit le regard de monsieur de Trailles. Avec cette admirable puissance que possèdent les femmes, elle se mit à sourire en disant : « Venez, Maxime ; j’ai quelque chose à vous demander. Messieurs, nous vous laisserons naviguer de conserve sur le Warwick et sur le Vengeur. » Elle se leva et fit un signe plein de traîtrise railleuse à Maxime, qui prit avec elle la route du boudoir. À peine ce couple morganatique, jolie expression allemande qui n’a pas son équivalent en français, avait-il atteint la porte, que le comte interrompit sa conversation avec Eugène.

— Anastasie ! restez donc, ma chère, s’écria-t-il avec humeur, vous savez bien que…

— Je reviens, je reviens, dit-elle en t’interrompant, il ne me faut qu’un moment pour dire à Maxime ce dont je veux le charger.

Elle revint promptement. Comme toutes les femmes qui, forcées d’observer le caractère de leurs maris pour pouvoir se conduire à leur fantaisie, savent reconnaître jusqu’où elles peuvent aller afin de ne pas perdre une confiance précieuse, et qui alors ne les choquent jamais dans les petites choses de la vie, la comtesse avait vu d’après les inflexions de ta voix du comte qu’il n’y aurait aucune sécurité à rester dans le boudoir. Ces contre-temps étaient dus à Eugène. Aussi la comtesse montra-t-elle l’étudiant d’un air et par un geste pleins de dépit à Maxime, qui dit fort épigrammatiquement au comte, à sa femme et à Eugène : — Écoutez, vous êtes en affaires, je ne veux pas vous gêner ; adieu. Il se sauva.

— Restez donc, Maxime ! cria le comte.