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neuse, et dit à son voisin : — Vous avez donc vendu Thornthon ?

— Non, il est malade. J’ai bien peur de le perdre, et j’en serais désolé ; c’est un cheval excellent à la chasse. Savez-vous comment va la duchesse de Marigny ?

— Non, je n’y suis pas allé ce matin. Je sortais pour la voir, quand vous êtes venu me parler d’Antoinette. Mais elle avait été fort mal hier, l’on en désespérait, elle a été administrée.

— Sa mort changera la position de votre cousin.

— En rien, elle a fait ses partages de son vivant et s’était réservé une pension que lui paye sa nièce, madame de Soulanges, à laquelle elle a donné sa terre de Guébriant à rente viagère.

— Ce sera une grande perte pour la société. Elle était bonne femme. Sa famille aura de moins une personne dont les conseils et l’expérience avaient de la portée. Entre nous soit dit, elle était le chef de la maison. Son fils, Marigny, est un aimable homme ; il a du trait ; il sait causer. Il est agréable, très-agréable ; oh ! pour agréable, il l’est sans contredit ; mais… aucun esprit de conduite. Eh bien ! c’est extraordinaire, il est très-fin. L’autre jour, il dînait au Cercle avec tous ces richards de la Chaussée-d’Antin, et votre oncle (qui va toujours y faire sa partie) le voit. Étonné de le rencontrer là, il lui demande s’il est du Cercle. — « Oui, je ne vais plus dans le monde, je vis avec les banquiers. » Vous savez pourquoi ? dit le marquis en jetant au duc un fin sourire.

— Non.

— Il est amouraché d’une nouvelle mariée, cette petite madame Keller, la fille de Grandville, une femme que l’on dit fort à la mode dans ce monde-là.

— Mais Antoinette ne s’ennuie pas, à ce qu’il paraît, dit le vieux vidame.

— L’affection que je porte à cette petite femme me fait prendre en ce moment un singulier passe-temps, lui répondit la princesse en empochant sa tabatière.

— Ma chère tante, dit le duc en s’arrêtant, je suis désespéré. Il n’y avait qu’un homme de Bonaparte capable d’exiger d’une femme comme il faut de semblables inconvenances. Entre nous soit dit, Antoinette aurait dû choisir mieux.

— Mon cher, répondit la princesse, les Montriveau sont anciens et fort bien alliés, ils tiennent à toute la haute noblesse de Bourgogne. Si les Rivaudoult d’Arschoot, de la branche Dulmen,