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puissant persécuté qu’il ne l’était triomphant, s’il veut avoir un chef et un système.

Maintenant il est facile de résumer cet aperçu semi-politique. Ce défaut de vues larges et ce vaste ensemble de petites fautes ; l’envie de rétablir de hautes fortunes dont chacun se préoccupait ; un besoin réel de religion pour soutenir la politique ; une soif de plaisir, qui nuisait à l’esprit religieux, et nécessita des hypocrisies ; les résistances partielles de quelques esprits élevés qui voyaient juste et que contrarièrent les rivalités de cour ; la noblesse de province, souvent plus pure de race que ne l’est la noblesse de cour, mais qui, trop souvent froissée, se désaffectionna ; toutes ces causes se réunirent pour donner au faubourg Saint-Germain les mœurs les plus discordantes. Il ne fut ni compacte dans son système, ni conséquent dans ses actes, ni complétement moral, ni franchement licencieux, ni corrompu ni corrupteur ; il n’abandonna pas entièrement les questions qui lui nuisaient et n’adopta pas les idées qui l’eussent sauvé. Enfin, quelque débiles que fussent les personnes, le parti s’était néanmoins armé de tous les grands principes qui font la vie des nations. Or, pour périr dans sa force, que faut-il être ? Il fut difficile dans le choix des personnes présentées ; il eut du bon goût, du mépris élégant ; mais sa chute n’eut certes rien d’éclatant ni de chevaleresque. L’émigration de 89 accusait encore des sentiments ; en 1830, l’émigration à l’intérieur n’accuse plus que des intérêts. Quelques hommes illustres dans les lettres, les triomphes de la tribune, monsieur de Talleyrand dans les congrès, la conquête d’Alger, et plusieurs noms redevenus historiques sur les champs de bataille, montrent à l’aristocratie française les moyens qui lui restent de se nationaliser et de faire encore reconnaître ses titres, si toutefois elle daigne. Chez les êtres organisés il se fait un travail d’harmonie intime. Un homme est-il paresseux, la paresse se trahit en chacun de ses mouvements. De même, la physionomie d’une classe d’hommes se conforme à l’esprit général, à l’âme qui en anime le corps. Sous la Restauration, la femme du faubourg Saint-Germain ne déploya ni la fière hardiesse que les dames de la cour portaient jadis dans leurs écarts, ni la modeste grandeur des tardives vertus par lesquelles elles expiaient leurs fautes, et qui répandaient autour d’elles un si vif éclat. Elle n’eut rien de bien léger, rien de bien grave. Ses passions, sauf quelques exceptions, furent hypocrites ; elle transigea pour ainsi dire avec