Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, IV.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Rochefide comme intelligence, elle me déplaît souverainement comme femme.

— Voilà donc comment finissent nos plus beaux rêves, nos amours célestes ! dit Calyste abasourdi par tant de révélations et de désillusionnements.

— En queue de poisson, s’écria Maxime. Je ne connais pas de premier amour qui ne se termine bêtement. Ah ! monsieur le baron, tout ce que l’homme a de céleste ne trouve d’aliment que dans le ciel !… Voilà ce qui nous donne raison à nous autres roués. Moi, j’ai beaucoup creusé cette question-là, monsieur ; et, vous le voyez, je suis marié d’hier, je serai fidèle à ma femme, et je vous engage à revenir à madame du Guénic… dans trois mois. Ne regrettez pas Béatrix, c’est le modèle de ces natures vaniteuses, sans énergie, coquettes par gloriole, c’est madame d’Espard sans sa politique profonde, la femme sans cœur et sans tête, étourdie dans le mal. Madame de Rochefide n’aime qu’elle ; elle vous aurait brouillé sans retour avec madame du Guénic, et vous eût planté là sans remords ; enfin, c’est incomplet pour le vice comme pour la vertu.

— Je ne suis pas de ton avis, Maxime, dit La Palférine, elle sera la plus délicieuse maîtresse de maison de Paris.

Calyste ne sortit pas sans avoir échangé des poignées de main avec Charles-Édouard et Maxime de Trailles, en les remerciant de ce qu’ils l’avaient opéré de ses illusions.

Trois jours après la duchesse de Grandlieu, qui n’avait pas vu sa fille Sabine depuis la matinée où cette conférence avait eu lieu, survint un matin et trouva Calyste au bain, Sabine auprès de lui travaillait à des ornements nouveaux pour la nouvelle layette.

— Eh bien ! que vous arrive-t-il donc, mes enfants ? demanda la bonne duchesse.

— Rien que de bon, ma chère maman, répondit Sabine qui leva sur sa mère des yeux rayonnant de bonheur, nous avons joué la fable des deux pigeons ! voilà tout.

Calyste tendit la main à sa femme et la lui serrant si tendrement en lui jetant un regard si éloquent, qu’elle dit à l’oreille de la duchesse : — Je suis aimée, ma mère, et pour toujours !

1838-1844.