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l’aient fortement attaqué dans ces derniers temps, est-il nécessaire en certains cas pour les enfants ; et d’ailleurs, il est le plus naturel, car la nature ne procède pas autrement, elle se sert de la douleur pour imprimer un durable souvenir de ses enseignements. Si, à la honte malheureusement passagère qui avait saisi Oscar la veille, le régisseur eût joint une peine afflictive, peut-être la leçon aurait-elle été complète. Le discernement avec lequel les corrections doivent être employées est le plus grand argument contre elles ; car la nature ne se trompe jamais, tandis que le précepteur doit errer souvent.

Madame Clapart avait eu le soin d’envoyer son mari dehors afin de se trouver seule pendant la matinée avec son fils. Elle était dans un état à faire pitié. Ses yeux attendris par les larmes, sa figure fatiguée par une nuit sans sommeil, sa voix affaiblie, tout en elle demandait grâce en montrant une excessive douleur qu’elle n’aurait pu supporter une seconde fois. En voyant entrer Oscar, elle lui fit signe de s’asseoir à côté d’elle et lui rappela d’un ton doux, mais pénétré, les bienfaits du régisseur de Presles. Elle dit à Oscar que, depuis six ans surtout, elle vivait des ingénieuses charités de Moreau. La place de monsieur Clapart, due au comte de Sérisy aussi bien que la demi-bourse à l’aide de laquelle Oscar avait achevé son éducation, cesserait tôt ou tard. Clapart ne pouvait pas prétendre à une retraite, ne comptant point assez d’années de services au Trésor ni à la Ville pour en obtenir une. Le jour où monsieur Clapart n’aurait plus sa place, que deviendraient-ils tous ?

— Moi, dit-elle, dussé-je me mettre à garder les malades ou devenir femme de charge dans une grande maison, je saurai gagner mon pain et nourrir monsieur Clapart. Mais, toi, dit-elle à Oscar, que feras-tu ? Tu n’as pas de fortune et tu dois t’en faire une, car il faut pouvoir vivre. Il n’existe que quatre grandes carrières, pour vous autres jeunes gens : le commerce, l’administration, les professions privilégiées et le service militaire. Toute espèce de commerce exige des capitaux, nous n’en avons pas à te donner. À défaut de capitaux, un jeune homme apporte son dévouement, sa capacité ; mais le commerce veut une grande discrétion, et ta conduite d’hier ne permet pas d’espérer que tu y réussisses. Pour entrer dans une administration publique, on doit y faire un long surnumérariat, y avoir des protections, et tu t’es aliéné le seul protecteur que nous eussions et le plus puissant de tous. D’ail-