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— Mais pourquoi ne viendrait-il pas ? dit le comte en affectant un air rêveur.

— Il est malade, monseigneur…

— Vous en êtes sûr ?

— J’y suis allé…

— Monsieur, dit le comte en prenant un air sévère qui fut terrible, que feriez-vous à un homme de confiance qui vous verrait panser un mal que vous voudriez tenir secret, s’il allait en rire chez une gourgandine ?

— Je le rouerais de coups.

— Et si vous aperceviez en outre qu’il trompe votre confiance et vous vole ?

— Je tâcherais de le surprendre et je l’enverrais aux galères.

— Écoutez, monsieur Moreau ! vous avez sans doute parlé de mes infirmités chez madame Clapart, et vous avez ri chez elle, avec elle, de mon amour pour la comtesse de Sérisy ; car le petit Husson instruisait d’une foule de circonstances relatives à mes traitements les voyageurs d’une voiture publique, ce matin, en ma présence, et Dieu sait en quel langage ! Il osait calomnier ma femme. Enfin, j’ai appris de la bouche même du père Léger, qui revenait de Paris dans la voiture de Pierrotin, le plan formé par le notaire de Beaumont, par vous et par lui, relativement aux Moulineaux. Si vous êtes allé chez monsieur Margueron, ce fut pour lui dire de faire le malade ; il l’est si peu que je l’attends à dîner, et qu’il va venir. Eh bien, monsieur, je vous pardonnais d’avoir deux cent cinquante mille francs de fortune, gagnés en dix-sept ans… Je comprends cela. Vous m’eussiez chaque fois demandé ce que vous me preniez, ou ce qui vous était offert, je vous l’aurais donné : vous êtes père de famille. Vous avez été, dans votre indélicatesse, meilleur qu’un autre, je le crois… Mais vous qui savez mes travaux accomplis pour le pays, pour la France, vous qui m’avez vu passant des cent et quelques nuits pour l’Empereur, ou travaillant des dix-huit heures par jour pendant des trimestres entiers ; vous qui connaissez combien j’aime madame de Sérisy, avoir bavardé là-dessus devant un enfant, avoir livré mes secrets, mes affections à la risée d’une madame Husson…

— Monseigneur…

— C’est impardonnable. Blesser un homme dans ses intérêts, ce n’est rien ; mais l’attaquer dans son cœur !… Oh ! vous ne savez