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Mets-toi dans le fond, reprit-elle en regardant toujours Oscar avec tendresse et lui souriant avec amour.

Oh ! combien Oscar regretta que les malheurs et les chagrins eussent altéré la beauté de sa mère, que la misère et le dévouement l’empêchassent d’être bien mise ! L’un des deux jeunes gens, celui qui avait des bottes et des éperons, poussa l’autre par un coup de coude pour lui montrer la mère d’Oscar, et l’autre retroussa sa moustache par un geste qui signifiait : Jolie tournure !

— Comment me débarrasser de ma mère, se dit Oscar qui prit un air soucieux.

— Qu’as-tu ? lui demanda madame Clapart.

Oscar feignit de n’avoir pas entendu, le monstre ! Peut-être dans cette circonstance madame Clapart manquait-elle de tact. Mais les sentiments absolus ont tant d’égoïsme.

— Aimes-tu les enfants en voyage ? demanda le jeune homme à son ami.

— Oui, s’ils sont sevrés, s’ils se nomment Oscar, et s’ils ont du chocolat.

Ces deux phrases furent échangées à demi-voix pour laisser à Oscar la liberté d’entendre ou de ne pas entendre ; sa contenance allait indiquer au voyageur la mesure de ce qu’il pourrait tenter contre l’enfant pour s’égayer pendant la route. Oscar ne voulut pas avoir entendu. Il regardait autour de lui pour savoir si sa mère, qui pesait sur lui comme un cauchemar, se trouvait encore là, car il se savait trop aimé par elle pour être si promptement quitté. Non-seulement il comparait involontairement la mise de son compagnon de voyage avec la sienne, mais encore il sentait que la toilette de sa mère était pour beaucoup dans le sourire moqueur des deux jeunes gens. ─ S’ils pouvaient s’en aller, eux ? se dit-il.

Hélas ! un des deux gens venait de dire à l’autre, en donnant un léger coup de canne à la roue du cabriolet : ─ Et tu vas, Georges, confier ton avenir à cette barque fragile.

— Il le faut ! dit Georges d’un air fatal.

Oscar poussa un soupir en remarquant la façon cavalière du chapeau mis sur l’oreille comme pour montrer une magnifique chevelure blonde bien frisée ; tandis qu’il avait, par l’ordre de son beau-père, ses cheveux noirs coupés en brosse sur le front et ras comme ceux des soldats. Le vaniteux enfant montrait une figure ronde et joufflue, animée par les couleurs d’une brillante santé ; tandis que le visage