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yeux la consulesse avec un enfant de six ans, beau comme le désir d’une mère, et une petite fille de quatre ans sur les genoux, belle comme un type d’enfant laborieusement cherché par David le sculpteur pour l’ornement d’une tombe. Ce beau ménage fut l’objet de l’attention secrète de Camille. Mademoiselle des Touches trouvait au consul un air un peu trop distrait chez un homme parfaitement heureux. Quoique pendant cette journée la femme et le mari lui eussent offert le spectacle admirable du bonheur le plus entier, Camille se demandait pourquoi l’un des hommes les plus distingués qu’elle eût rencontrés, et qu’elle avait vu dans les salons à Paris, restait Consul-Général à Gênes, quand il possédait une fortune de cent et quelques mille francs de rentes ! Mais elle avait aussi reconnu, par beaucoup de ces riens que les femmes ramassent avec l’intelligence du sage arabe dans Zadig, l’affection la plus fidèle chez le mari. Certes, ces deux beaux êtres s’aimeraient sans mécompte jusqu’à la fin de leurs jours. Camille se disait donc tour à tour : « — Qu’y a-t-il ? — Il n’y a rien ! » selon les apparences trompeuses du maintien chez le Consul-Général qui, disons-le, possédait le calme absolu des Anglais, des sauvages, des Orientaux et des diplomates consommés.

En parlant littérature, on parla de l’éternel fonds de boutique de la république des lettres : la faute de la femme ! Et l’on se trouva bientôt en présence de deux opinions : qui, de la femme ou de l’homme, avait tort dans la faute de la femme ? Les trois femmes présentes, l’ambassadrice, la consulesse et mademoiselle des Touches, ces femmes censées naturellement irréprochables, furent impitoyables pour les femmes. Les hommes essayèrent de prouver à ces trois belles fleurs du sexe qu’il pouvait rester des vertus à une femme après sa faute.

— Combien de temps allons-nous jouer ainsi à cache-cache ! dit Léon de Lora.

Cara vita (ma chère vie), allez coucher vos enfants, et envoyez-moi par Gina le petit porte-feuille noir qui est sur mon meuble de Boule, dit le Consul à sa femme.

La consulesse se leva sans faire une observation, ce qui prouve qu’elle aimait bien son mari, car elle connaissait assez de français déjà pour savoir que son mari la renvoyait.

— Je vais vous raconter une histoire dans laquelle je joue un rôle, et après laquelle nous pourrons discuter, car il me paraît