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avec la mère féconde, la consolatrice des affligés, l’Église Romaine, si douce aux repentirs, si poétique avec les poètes, si naïve avec les enfants, si profonde et si mystérieuse pour les esprits inquiets et sauvages qu’ils y peuvent toujours creuser en satisfaisant toujours leurs insatiables curiosités, sans cesse excitées. Elle jeta les yeux sur les détours que Calyste lui avait fait faire, et les comparait aux chemins tortueux de ces rochers. Calyste était toujours à ses yeux le beau messager du ciel, un divin conducteur. Elle étouffa l’amour terrestre par l’amour divin.

Après avoir marché pendant quelque temps en silence, Calyste ne put s’empêcher, sur une exclamation de Béatrix relative à la beauté de l’Océan qui diffère beaucoup de la Méditerranée, de comparer, comme pureté, comme étendue, comme agitation, comme profondeur, comme éternité, cette mer à son amour.

— Elle est bordée par un rocher, dit en riant Béatrix.

— Quand vous me parlez ainsi, répondit-il en lui lançant un regard divin, je vous vois, je vous entends, et puis avoir la patience des anges ; mais quand je suis seul, vous auriez pitié de moi si vous pouviez me voir. Ma mère pleure alors de mon chagrin.

— Écoutez, Calyste, il faut en finir, dit la marquise en regagnant le chemin sablé. Peut-être avons-nous atteint le seul lieu propice à dire ces choses, car jamais de ma vie je n’ai vu la nature plus en harmonie avec mes pensées. J’ai vu l’Italie, où tout parle d’amour ; j’ai vu la Suisse, où tout est frais et exprime un vrai bonheur, un bonheur laborieux ; où la verdure, les eaux tranquilles, les lignes les plus riantes sont opprimées par les Alpes couronnées de neige ; mais je n’ai rien vu qui peigne mieux l’ardente aridité de ma vie que cette petite plaine desséchée par les vents de mer, corrodée par les vapeurs marines, où lutte une triste agriculture en face de l’immense Océan, en face des bouquets de la Bretagne d’où s’élèvent les tours de votre Guérande. Eh ! bien, Calyste, voilà Béatrix. Ne vous y attachez donc point. Je vous aime, mais je ne serai jamais à vous d’aucune manière, car j’ai la conscience de ma désolation intérieure. Ah ! vous ne savez pas à quel point je suis dure pour moi-même en vous parlant ainsi. Non, vous ne verrez pas votre idole, si je suis une idole, amoindrie, elle ne tombera pas de la hauteur où vous la mettez. J’ai maintenant en horreur une passion que désavouent le monde et la religion, je ne veux plus être humiliée ni cacher mon bonheur ; je reste attachée où je suis,