Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/432

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aise auprès de vous aux Touches, être au gré de mon caractère et comme vous le demandez. Je ne vous parle pas du ridicule amer qui me poursuivrait dans le cas où mes yeux cesseraient d’exprimer les sentiments dont vous vous plaignez. Un second vol fait à Camille serait une preuve d’impuissance auquel une femme ne se résout pas deux fois. Vous aimé-je follement, fussé-je aveugle, oublié-je tout, je verrais toujours Camille ! Son amour pour vous est une de ces barrières trop hautes pour être franchies par aucune puissance, même par les ailes d’un ange : il n’y a qu’un démon qui ne recule pas devant ces infâmes trahisons. Il se trouve ici, mon enfant, un monde de raisons que les femmes nobles et délicates se réservent et auxquelles vous n’entendez rien, vous autres hommes, même quand ils sont aussi semblables à nous que vous l’êtes en ce moment. Enfin vous avez une mère qui vous a montré ce que doit être une femme dans la vie ; elle est pure et sans tache, elle a rempli sa destinée noblement ; ce que je sais d’elle a mouillé mes yeux de larmes, et du fond de mon cœur il s’est élevé des mouvements d’envie. J’aurais pu être ainsi ! Calyste, ainsi doit être votre femme, et telle doit être sa vie. Je ne vous renverrai plus méchamment, comme j’ai fait, à cette petite Charlotte, qui vous ennuierait promptement ; mais à quelque divine jeune fille digne de vous. Si j’étais à vous, je vous ferais manquer votre vie. Il y aurait chez vous manque de foi, de constance, ou vous auriez alors l’intention de me vouer toute votre existence : je suis franche, je la prendrais, je vous emmènerais je ne sais où, loin du monde ; je vous rendrais fort malheureux, je suis jalouse, je vois des monstres dans une goutte d’eau, je suis au désespoir de misères dont beaucoup de femmes s’arrangent ; il est même des pensées inexorables qui viendraient de moi, non de vous, et qui me blesseraient à mort. Quand un homme n’est pas à la dixième année de bonheur aussi respectueux et aussi délicat qu’à la veille du jour où il mendiait une faveur, il me semble un infâme et m’avilit à mes propres yeux ! un pareil amant ne croit plus aux Amadis et aux Cyrus de mes rêves. Aujourd’hui, l’amour pur est une fable, et je ne vois en vous que la fatuité d’un désir à qui sa fin est inconnue. Je n’ai pas quarante ans, je ne sais pas encore faire plier ma fierté sous l’autorité de l’expérience, je n’ai pas cet amour qui rend humble, enfin je suis une femme dont le caractère est encore trop jeune pour ne pas être détestable. Je ne puis répondre de mon hu-