Page:Œuvres complètes de H. de Balzac, III.djvu/411

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ah ! le tout est de vouloir, je ne l’aurais pas cru ! Quelle est celle de vos compositions que vous préférez ?

— Il est bien difficile d’avoir des prédilections pour ces petites chattes.

— Vous êtes blasée sur les compliments, et l’on ne sait que vous dire de nouveau.

— Croyez, madame, que je suis sensible à la forme que vous donnez aux vôtres.

La vicomtesse ne voulut pas avoir l’air de négliger la marquise et dit en la regardant d’un air fin : — Je n’oublierai jamais ce voyage fait entre l’Esprit et la Beauté.

— Vous me flattez, madame, dit la marquise en riant ; il n’est pas naturel de remarquer l’esprit auprès du génie, et je n’ai pas encore dit grand’chose.

Charlotte, qui sentait vivement les ridicules de sa mère, la regarda comme pour l’arrêter, mais la vicomtesse continua bravement à lutter avec les deux rieuses Parisiennes.

Le jeune homme, qui trottait d’un trot lent et abandonné le long de la calèche, ne pouvait voir que les deux femmes assises sur le devant, et son regard les embrassait tour à tour en trahissant des pensées assez douloureuses. Forcée de se laisser voir, Béatrix évita constamment de jeter les yeux sur le jeune homme par une manœuvre désespérante pour les gens qui aiment, elle tenait son châle croisé sous ses mains croisées, et paraissait en proie à une méditation profonde. À un endroit où la route est ombragée, humide et verte comme un délicieux sentier de forêt, où le bruit de la calèche s’entendait à peine, où les feuilles effleuraient les capotes, où le vent apportait des odeurs balsamiques, Camille fit remarquer ce lieu plein d’harmonies, et appuya sa main sur le genou de Béatrix en lui montrant Calyste : — Comme il monte bien à cheval ! lui dit-elle.

— Calyste ? reprit la vicomtesse, c’est un charmant cavalier.

— Oh ! Calyste est bien gentil, dit Charlotte.

— Il y a tant d’Anglais qui lui ressemblent ! répondit indolemment la marquise sans achever sa phrase.

— Sa mère est Irlandaise, une O’Brien, repartit Charlotte qui se crut attaquée personnellement.

Camille et la marquise entrèrent dans Guérande avec la vicomtesse de Kergarouët et sa fille, au grand étonnement de toute la