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— Oh ! vous, répondit mademoiselle de Pen-Hoël, elle vous a ensorcelé.

— Je lui porte, dit Calyste, la même amitié qu’à vous.

— Depuis quand les du Guénic mentent-ils ? dit la vieille fille.

— Depuis que les Pen-Hoël sont sourdes, répliqua Calyste.

— Tu n’es pas amoureux d’elle ? demanda la vieille fille enchantée.

— Je l’ai été, je ne le suis plus, répondit-il.

— Méchant enfant ! pourquoi nous as-tu donné tant de souci ? Je savais bien que l’amour est une sottise, il n’y a de solide que le mariage, lui dit-elle en regardant Charlotte.

Charlotte, un peu rassurée, espéra pouvoir reconquérir ses avantages en s’appuyant sur tous les souvenirs de l’enfance, et serra le bras de Calyste, qui se promit de s’expliquer nettement avec la petite héritière.

— Ah ! les belles parties de mouche que nous ferons, Calyste, dit-elle, et comme nous rirons !

Les chevaux étaient mis, Camille fit passer au fond de la voiture la vicomtesse et Charlotte, car Jacqueline avait disparu ; puis elle se plaça sur le devant avec la marquise. Calyste, obligé de renoncer au plaisir qu’il se promettait, accompagna la voiture à cheval, et les chevaux fatigués allèrent assez lentement pour qu’il pût regarder Béatrix. L’histoire a perdu les conversations étranges des quatre personnes que le hasard avait si singulièrement réunies dans cette voiture, car il est impossible d’admettre les cent et quelques versions qui courent à Nantes sur les récits, les répliques, les mots que la vicomtesse tient de la célèbre Camille Maupin lui-même. Elle s’est bien gardée de répéter ni de comprendre les réponses de mademoiselle des Touches à toutes les demandes saugrenues que les auteurs entendent si souvent, et par lesquelles on leur fait cruellement expier leurs rares plaisirs.

— Comment avez-vous fait vos livres ? demanda la vicomtesse.

— Mais comme vous faites vos ouvrages de femme, du filet ou de la tapisserie, répondit Camille.

— Et où avez-vous pris ces observations si profondes et ces tableaux si séduisants ?

— Où vous prenez les choses spirituelles que vous dites, madame. Il n’y a rien de si facile que d’écrire, et si vous vouliez…