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d’hui qu’elle ne le sera dans quatorze mois. Ne la privez pas des bénéfices de sa maternité, dit Solonet.

— Mathias, s’écria Paul avec une profonde douleur, il est deux sortes de ruines, et vous me perdez en ce moment !

Il fit un pas vers lui, sans doute pour lui dire qu’il voulait que le contrat fût rédigé sur l’heure. Le vieux notaire prévint ce malheur par un regard qui voulait dire : — Attendez ! Puis il vit des larmes dans les yeux de Paul, larmes arrachées par la honte que lui causait ce débat, par la phrase péremptoire de madame Évangélista qui annonçait une rupture, et il les sécha par un geste, celui d’Archimède criant : — Eurêka ! Le mot pair de France avait été, pour lui, comme une torche dans un souterrain.

Natalie apparut en ce moment ravissante comme une aurore, et dit d’un air enfantin : — Suis-je de trop ?

— Singulièrement de trop, ma fille, lui répondit sa mère avec une cruelle amertume.

— Venez, ma chère Natalie, dit Paul en la prenant par la main et l’amenant à un fauteuil près de la cheminée, tout est arrangé ! Car il lui fut impossible de supporter le renversement de ses espérances.

Mathias reprit vivement : — Oui, tout peut encore s’arranger.

Semblable au général qui, dans un moment, renverse les combinaisons préparées par l’ennemi, le vieux notaire avait vu le génie qui préside au Notariat lui déroulant en caractères légaux une conception capable de sauver l’avenir de Paul et celui de ses enfants. Maître Solonet ne connaissait pas d’autre dénouement à ces difficultés inconciliables que la résolution inspirée au jeune homme par l’amour, et à laquelle l’avait conduit cette tempête de sentiments et d’intérêts contrariés ; aussi fut-il étrangement surpris de l’exclamation de son confrère. Curieux de connaître le remède que maître Mathias pouvait trouver à un état de choses qui devait lui paraître perdu sans ressources, il lui dit : — Que proposez-vous ?

— Natalie, ma chère enfant, laissez-nous, dit madame Évangélista.

— Mademoiselle n’est pas de trop, répondit maître Mathias en souriant, je vais parler pour elle aussi bien que pour monsieur le comte.

Il se fit un silence profond pendant lequel chacun, plein d’agitation, attendit l’improvisation du vieillard avec une indicible curiosité.