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— Paul, lui dit-elle à voix basse, et elle le nomma ainsi pour la première fois, si quelques difficultés d’intérêts pouvaient nous séparer, songez que je vous relève de vos engagements, et vous permets de jeter sur moi la défaveur qui résulterait d’une rupture.

Elle mit une si profonde dignité dans l’expression de sa générosité que Paul crut au désintéressement de Natalie, à son ignorance du fait que son notaire venait de lui révéler ; il pressa la main de la jeune fille et la baisa comme un homme à qui l’amour était plus cher que l’intérêt. Natalie sortit.

— Sac à papier, monsieur le comte, vous faites des sottises, reprit le vieux notaire en rejoignant son client.

Paul demeura songeur : il comptait avoir environ cent mille livres de rentes, en réunissant sa fortune à celle de Natalie ; et quelque passionné que soit un homme, il ne passe pas sans émotion de cent à quarante-six mille livres de rentes en acceptant une femme habituée au luxe.

— Ma fille n’est pas là, reprit madame Évangélista qui s’avança royalement vers son gendre et le notaire, pouvez-vous me dire ce qui nous arrive !

— Madame, répondit Mathias épouvanté du silence de Paul, et qui rompit la glace, il survient qu’un empêchement dilatoire…

À ce mot, maître Solonet sortit du petit salon et coupa la parole à son vieux confrère par une phrase qui rendit la vie à Paul. Accablé par le souvenir de ses phrases galantes, par son attitude amoureuse, Paul ne savait ni comment les démentir ni comment en changer ; il aurait voulu pouvoir se jeter dans un gouffre.

— Il est un moyen d’acquitter madame envers sa fille, dit le jeune notaire d’un ton dégagé. Madame Évangélista possède quarante mille livres de rentes en inscriptions cinq pour cent, dont le capital sera bientôt au pair, s’il ne le dépasse ; ainsi nous pouvons le compter pour huit cent mille francs. Cet hôtel et son jardin valent bien deux cent mille francs. Cela posé, madame peut transporter par le contrat la nue propriété de ces valeurs à sa fille, car je ne pense pas que les intentions de monsieur soient de laisser sa belle-mère sans ressources. Si madame a mangé sa fortune, elle rend celle de sa fille, à une bagatelle près.

— Les femmes sont bien malheureuses de ne rien entendre aux affaires, dit madame Évangélista. J’ai des nues propriétés ? Qu’est-ce que cela, mon Dieu !