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incident assez léger en apparence avait changé la situation des autres personnages qui figurent dans cette histoire. À peine le marquis était-il sorti que sa femme, jetant alternativement les yeux sur la clef de la mansarde et sur Hélène, finit par dire à voix basse en se penchant vers sa fille : — Hélène, votre père a laissé la clef sur la cheminée.

La jeune fille étonnée leva la tête, et regarda timidement sa mère, dont les yeux pétillaient de curiosité.

— Hé ! bien, maman ? répondit-elle d’une voix troublée.

— Je voudrais bien savoir ce qui se passe là-haut. S’il y a une personne, elle n’a pas encore bougé. Vas-y donc…

— Moi ? dit la jeune fille avec une sorte d’effroi.

— As-tu peur ?

— Non, madame, mais je crois avoir distingué le pas d’un homme.

— Si je pouvais y aller moi-même, je ne vous aurais pas prié de monter, Hélène, reprit sa mère avec un ton de dignité froide. Si votre père rentrait et ne me trouvait pas, il me chercherait peut-être, tandis qu’il ne s’apercevra pas de votre absence.

— Madame, répondit Hélène, si vous me le commandez, j’irai ; mais je perdrai l’estime de mon père…

— Comment ! dit la marquise avec un accent d’ironie. Mais puisque vous prenez au sérieux ce qui n’était qu’une plaisanterie, maintenant je vous ordonne d’aller voir qui est là-haut. Voici la clef, ma fille ! Votre père, en vous recommandant le silence sur ce qui se passe en ce moment chez lui, ne vous a point interdit de monter à cette chambre. Allez, et sachez qu’une mère ne doit jamais être jugée par sa fille…

Après avoir prononcé ces dernières paroles avec toute la sévérité d’une mère offensée, la marquise prit la clef et la remit à Hélène, qui se leva sans dire un mot, et quitta le salon.

— Ma mère saura toujours bien obtenir son pardon ; mais moi je serai perdue dans l’esprit de mon père. Veut-elle donc me priver de la tendresse qu’il a pour moi, me chasser de sa maison ?

Ces idées fermentèrent soudain dans son imagination pendant qu’elle marchait sans lumière le long du corridor, au fond duquel était la porte de la chambre mystérieuse. Quand elle y arriva, le désordre de ses pensées eut quelque chose de fatal. Cette espèce de méditation confuse servit à faire déborder mille sentiments contenus