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déborder la tristesse si le cœur est perdu dans ces mélancolies, ou lui donne d’ineffables plaisirs s’il est perdu dans les vertiges de l’amour. Juliette pressa presque involontairement la main de son ami. Cette pression persuasive donna du courage à la timidité de l’amant. Les joies de ce moment et les espérances de l’avenir, tout se fondit dans une émotion, celle d’une première caresse, du chaste et modeste baiser que madame d’Aiglemont laissa prendre sur sa joue. Plus faible était la faveur, plus puissante, plus dangereuse elle fut. Pour leur malheur à tous deux, il n’y avait ni semblants ni fausseté. Ce fut l’entente de deux belles âmes, séparées par tout ce qui est loi, réunies par tout ce qui est séduction dans la nature. En ce moment le général d’Aiglemont entra.

— Le ministère est changé, dit-il. Votre oncle fait partie du nouveau cabinet. Ainsi, vous avez de bien belles chances pour être ambassadeur, Vandenesse.

Charles et Julie se regardèrent en rougissant. Cette pudeur mutuelle fut encore un lien. Tous deux, ils eurent la même pensée, le même remords ; lien terrible et tout aussi fort entre deux brigands qui viennent d’assassiner un homme qu’entre deux amants coupables d’un baiser. Il fallait une réponse au marquis.

— Je ne veux plus quitter Paris, dit Charles Vandenesse.

— Nous savons pourquoi, répliqua le général en affectant la finesse d’un homme qui découvre un secret. Vous ne voulez pas abandonner votre oncle, pour vous faire déclarer l’héritier de sa pairie.

La marquise s’enfuit dans sa chambre, en se disant sur son mari cet effroyable mot : — Il est aussi par trop bête.

IV.


LE DOIGT DE DIEU.


Entre la barrière d’Italie et celle de la Santé, sur le boulevard intérieur qui mène au Jardin-des-Plantes, il existe une perspective digne de ravir l’artiste ou le voyageur le plus blasé sur les jouissances de la vue. Si vous atteignez une légère éminence à partir de laquelle le boulevard, ombragé par de grands arbres touffus, tourne avec la grâce d’une allée forestière verte et silencieuse,